Le Pays Basque, première terre du chocolat en France

Saviez-vous que le chocolat est arrivé en France par le Pays Basque ? La gourmandise par excellence, l’histoire du chocolat a rencontré la grande Histoire de France au sein des remparts bayonnais.
Partez à la découverte des origines de ce savoir-faire qui ravit les papilles des plus gourmands d’entre-nous !
Le “Nouveau monde”, berceau du chocolat

Originaires du bassin amazonien, les fèves de cacao sont utilisées depuis 1100 av. J.-C. dans cette région d’Amérique du Sud.
Consommées sous forme liquide et mélangé avec des épices, ce breuvage portait le nom de xocoatl.
Au cours des siècles, la consommation du cacao accompagne les cérémonies publiques et rituels.
Reconnu pour ses vertus thérapeutiques, le cacao devient un produit de troque et de commerce.
C’est au XVIe siècle que les colons espagnols découvrent pour la première fois cette boisson à base de cacao.
Une boisson exotique arrivée d’Espagne

C’est part l’Espagne que le cacao est introduit au XVIe siècle. Dès la conquête des territoires aztèques, la boisson conquit la Cour d’Espagne.
N’appréciant guère l’amertume de ce breuvage, ils y incorporent du miel, du sucre de canne, du musc ou de la fleur d’oranger.
Au XVIIe siècle, le chocolat devient une ressource très appréciée de l'aristocratie et du clergé espagnol. Il gagne ensuite en popularité au fur et à mesure qu'il devient disponible dans toute l'Europe.
C’est par l’intermédiaire des Juifs marranes que le chocolat arrive dans le Pays Basque.
Expulsés d’Espagne puis du Portugal par le décret de l’Alhambra de 1492, les Juifs marranes s’installent à Saint-Esprit, face à la ville de Bayonne, sur la rive droite du fleuve Adour.
Dès lors, leur engouement pour le chocolat et leur savoir-faire se répand dans la région bayonnaise.
Ces “Faiseurs de chocolat” possèdent un savoir-faire minutieux pour préparer le chocolat. Ils se déplacent pour fabriquer cette boisson chez les épiciers bayonnais qui la revendent ensuite dans leurs échoppes.
Ces « maîtres chocolatiers » se rendent également à domicile pour préparer le chocolat directement chez les clients de la bourgeoisie bayonnaise.
Au cours de leur passage à Bayonne, en 1615, le couple royal Louis XIII et Anne d’Autriche découvrent ce nouveau breuvage. Séduits par son goût, le roi et la reine emportent cette nouveauté culinaire jusqu’au cœur de leur Cour.
Le chocolat conquit la Cour de France

Ce sont quelques décennies plus tard que ce nouvel aliment est amené à la cour de France, par Marie-Thérèse d’Autriche, épouse espagnole de Louis XIV qui en raffole (ce qui lui vaut d’avoir les dents gâtées très jeune).
L’usage de cette boisson se cantonne, pour l’instant, à la cour.
Elle est cependant recommandée de manière médicinale comme remède à la dysenterie, la goutte, la toux sèche, mais également comme aphrodisiaque.
Une première commercialisation entravée à Bayonne
À Bayonne, la première mention, conservée, du mot « checolatte » remonte à 1670, date à laquelle un jurat de la ville offre de cette denrée à un hôte de marque.
En 1691, les marchands de la ville de Bayonne demandent que les « étrangers » de Saint–Esprit (les Juifs portugais notamment), ne soient pas autorisés à faire commerce de leurs marchandises, dont le chocolat, dans la ville.
Cette interdiction est prononcée par la publication de l’ordonnance des Échevins de Bayonne.
En effet, le port de Bayonne, à l’activité très intense, entraîne l’installation de plus en plus de personnes à Saint-Esprit. Le chocolat reste ainsi cantonné qu’à un groupe restreint d’initiés.
Seconde vue du port de Bayonne, prise de l'allée des Boufflers par Claude Joseph Vernet, 1755, Musée de la Marine à Paris
Un essor florissant qui débute au XVIIIe siècle
Mais cette interdiction n’est que peu respectée. En 1761, les chocolatiers obtiennent la création de la « Corporation des chocolatiers de Bayonne » « dans le but de faire naître l’émulation et à perfectionner le métier, d’autant qu’une infinité d’étrangers inondent la ville et infecte le public par la mauvaise composition qu’ils y débitent… ».
En vérité, cette guilde permet aux chocolatiers d’asseoir leur monopole et d’empêcher les Juifs d’exercer cette profession à Bayonne.
Les maisons chocolatières de Bayonne se développent à cette période grâce à leur savoir et à la proximité des marchands marranes.
Au XIXe siècle, les maisons de chocolat de Bayonne et du Pays basque prennent un essor considérable.
Ustensiles chocolaterie ©Marianne Casamance
La création d’une industrie du chocolat au XIXe siècle

Jean Fagalde, fondateur d’une fabrique de chocolat à Cambo, devient en 1855 « Fournisseur de Sa Majesté l’Empereur des Français ».
Napoléon III et l'impératrice Eugénie lui rendent même visite l’année suivante.
Également installé à Cambo, le chocolatier François Harispe est quant à lui « fournisseur breveté de Sa Majesté Alphonse XII et de Son Altesse Royale Isabelle de Bourbon, Infante d’Espagne », comme le clame une publicité parue en 1876.
Ces deux maisons ont également obtenu une médaille d’argent lors de l’Exposition Franco-Espagnole de 1864 qui célèbre l’inauguration de la ligne de chemin de fer Madrid-Irun.
Une tradition chocolatière qui s’implante à Bayonne
D’abord réservé à une élite et aux invités de marque, le chocolat est peu à peu adopté par la population bayonnaise.
Au cours des décennies, de véritables dynasties de chocolatiers apparaissent. Le chocolat se transforme en confiserie et se décline en glace, bonbons et pâtisseries.
Sa démocratisation lui permet de gagner les autres régions de France et l’Europe.
Un savoir-faire régional qui perdure aujourd’hui
De nos jours, plusieurs chocolatiers sont héritiers de cette tradition ancrée dans la région. Maison Pariès, Antton chacolatier ou encore la Maison Henriet font partie des plus réputés.
On peut citer, également, la maison Cazenave à Bayonne dont la boutique du 19, arceaux Pont-Neuf, est fondée officiellement, en 1864 bien que du chocolat soit fabriqué dans ces lieux depuis 1760.
Terrasse de la maison Cazenave dans les années 1920
Cette tradition chocolatière de la ville de Bayonne est encore célébrée chaque année lors des Journées du Chocolat organisées début octobre 2023.