Le fort aux 100 000 meules
Aux confins de la Franche-Comté, à 5 kilomètres de la Suisse, se trouve un fort, perché à 1100 mètres d’altitude, qui exhale le savoir-faire traditionnel et local : le fort Saint Antoine.
Tout commence dans les années 1960, alors que Marcel PETITE, affineur de Comté depuis plus de 30 ans, cherche un nouveau lieu d’affinage, près de son village d’origine dans le Doubs. Il souhaite investir une grotte, un tunnel ou tout autre endroit gardant une température basse et constante.
À contre-courant de l’époque qui pousse au productivisme en accélérant la fermentation des fromages, Marcel PETITE veut conserver à tout prix un modèle d'affinage traditionnel, respectueux des savoir-faire ancestraux.
Il entend parler d’un fort militaire à l’abandon dans le massif du Jura. Après avoir réussi à convaincre sa famille d'entreprendre avec lui ce projet insolite, il loue le fort Saint-Antoine à la commune du même nom et le transforme en « cathédrale » du Comté.
Idéalement frais, sa température oscille entre 6 et 9 degrés toute l’année. Recouvert de 6 à 7 mètres de remblais les voûtes des casemates entretiennent une humidité à saturation. Les anciennes cheminées et ventilations des casernements favorisent une ventilation idéale aux vieillissements des précieux fromages de montagne. Le fort rassemble donc les conditions idéales pour un affinage lent de grands crus de Comtés.
Les casernements sont les premières zones du fort à être utilisées. Puis, la production augmentant, les cours centrales sont à leur tour couvertes pour augmenter la capacité d’accueil des fromages. Finalement une cave à voûtes est créée entre 2008 et 2011 : un chantier titanesque permet d’édifier la grande cave des remparts véritable cathédrale enterrée.
Aujourd’hui, ce sont plus de 100 000 meules qui sont vieillies dans ce fort, le long de 1,4 km de couloirs aménagés. 22 personnes travaillent à temps plein pour accomplir cet affinage du Comté.
Le fort Saint-Antoine avait pourtant, au départ, une vocation militaire. Construit entre 1879 et 1882 pour accueillir 420 hommes en garnison, il fait parti des forts construits à cette période pour défendre la frontière Suisse.
Les travaux sont commandés par le Général Raymond-Adolphe Séré de Rivières, tandis qu’ils sont dirigés sur le terrain par le capitaine de génie Joseph Joffre (futur maréchal de France).
Mais les rapides progrès de l’artillerie le rende obsolète avant la fin de sa construction et le fort n’est jamais utilisé à plein… ce qui explique son bon état de conservation !
Le site accueille également entre 15 000 et 20 000 visiteurs par an pour raconter l’histoire extraordinaire de ce lieu et les savoir-faire exceptionnels des affineurs.
Ces traditions sont partagées par Claude Querry, responsable du site et détenteur de tous ses secrets, mais aussi par les cavistes qui expliquent comment ils chuchotent à l’oreille des Comtés pour mieux savoir quand les cueillir.
Pour en savoir plus sur le fort Saint-Antoine et les fromageries Marcel PETITE.