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Les fortifications de Vauban : un patrimoine mondial de l’humanité

Le marquis de Vauban, architecte militaire et ingénieur talentueux, a doté la France de Louis XIV, d’un prodigieux réseau de forteresses. Ce « pré carré français » a assuré la défense des frontières du royaume.

Dans ce contexte de guerres incessantes qui bouleversent le continent, les constructions militaires de Vauban et son génie civil sont précieux pour la couronne française. Des moyens matériels spectaculaires et des milliers d’hommes sont déployés pour réaliser ces ouvrages d’art.

L’œuvre de Vauban est universelle et se diffuse en Europe jusqu’au XIXe siècle.  

Inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité, par l’UNESCO, depuis 2008, douze sites majeurs construits par Vauban, sont les témoins uniques d'une architecture militaire, typique de la seconde moitié du XVIIe siècle.

L'enceinte de Villefranche-de-Conflent © Pascal

Sébastien Le Prestre de Vauban : un courage exemplaire

Portrait de Sébastien Le Prestre de Vauban peint par Hyancinthe Rigaud, 1704

C’est dans une famille de la petite noblesse bourguignonne, que Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, est né en 1633.

À l’âge de 18 ans, il entre dans l’armée du prince Louis de Condé qui a pris la tête de la Fronde des princes, contre le tout jeune roi Louis XIV.  Mais, Vauban change finalement de camp et rallie la cause royale aux côtés du cardinal Mazarin.

Au cours des différents sièges militaires, le courage de Vauban est vite remarqué, notamment par le marquis de Louvois, ministre de Louis XIV. À plusieurs reprises, Vauban risque sa vie pour espionner derrière les lignes ennemies.

Convaincu par l’idée qu’il faut améliorer la fortification des édifices militaires afin de réduire le nombre de morts lors des combats, Sébastien Le Prestre est envoyé par le roi à Nancy, puis à Dunkerque pour diriger les travaux de consolidation des points d’appui français.

Vauban et le Roi-Soleil

Portrait de Louis XIV peint par Hyacinthe Rigaud, 1701, Musée Condé

Point d'orgue de la guerre de Hollande, Vauban met en place son nouveau système de défense au siège de Maastricht, en 1673.

Véritable succès, son travail lui permet de gagner la confiance du Roi Soleil qui le nomme, en 1678, commissaire général des fortifications du royaume.

En remerciement pour la victoire de Maastricht, le roi octroie 80 000 livres à Vauban, pour acquérir le château de Bazoches, une ancienne forteresse médiévale, située au cœur de sa Bourgogne natale.

Son franc-parler et sa fidélité sont très appréciés de Louis XIV. Il conseille au roi de fortifier le royaume avec une « ceinture de fer », avant de se lancer dans la conquête folle d’autres territoires.

Un corps d’ingénieurs dédié aux infrastructures de l’armée du royaume est créé sous l’impulsion de l'ingénieur.

Un ouvrage monumental : les fortifications Vauban

Sébastien Le Prestre, illustration d'après le dessin de Charles de Larivière

Débute alors le grand programme de fortifications Vauban sur les frontières du royaume de France. Il élabore ses propres plans de citadelles et de places fortes. À cheval, il sillonne le territoire pour suivre l’évolution de chacun de ses chantiers.

Vauban améliore le système des remparts enterrés, des glacis et des bastions. Son objectif est d’éliminer les angles morts dans lesquels les ennemis parviennent à se cacher.

Considéré par ses contemporains comme un fin stratège, il élabore de nombreuses astuces pour défendre ses fortifications.

À la différence des édifices de grande ampleur du Moyen Âge, Vauban privilégie des ouvrages militaires enfoncés dans le sol, pour les rendre moins vulnérables. Il s’inspire des structures bâties par les architectes italiens au XVIe siècle, comme la forteresse de Basso à Florence ou le plan de Palmanova.

Vauban tente de limiter les coûts de construction en mettant en œuvre une standardisation des matériaux et des plans de fortification. Dans la plupart de ses projets, on retrouve le logis du gouverneur, les casernes, les poudrières ou encore les logis privés, entourés de bastions formant un polygone autour de la place à défendre. 

Sa maîtrise de la poliorcétique (l’art d’assiéger une ville) est admirée à la cour, notamment par le ministre Louvois qui le pousse à rédiger un mémoire sur la guerre. Véritable manuel d’instructions, Vauban y expose des principes de guerre fondamentaux, parfois encore utilisés aujourd’hui.

Citadelles et tours bastionnées : le patrimoine Vauban à travers la France

Vauban utilise le plus souvent des fortifications déjà existantes. Il renforce les éléments de défense des citadelles et des tours. Ces forts jouent, pour lui, un rôle dissuasif.

La citadelle d’Arras, située au cœur d’une grande plaine du Pas-de-Calais, protège la frontière nord-est du royaume. Les travaux, qui commencent en 1668, ne durent que deux ans. Ce site est finalement peu utilisé du fait de sa position jugée trop en retrait des lignes de combat.

Dans le Doubs, Vauban œuvre dans la cité de Besançon, fortifiée depuis l’Antiquité, afin de perfectionner le système de défense de ce site stratégique. Près de vingt ans de travaux sont nécessaires pour bâtir l’enceinte, le fort Griffon et les tours bastionnées.

À Briançon, dans la montagne des Hautes-Alpes, Vauban réalise un véritable chef-d’œuvre. À l’intersection de cinq vallées, il enserre la ville par des remparts et des forts. Les forts des Salettes, des Trois-Tête, du Randouillet et Dauphin assurent une défense sur près de trois kilomètres. La circulation des hommes sur le lieu est permise par la construction du pont d’Asfeld et de la communication Y.

Les murailles médiévales de Villefranche-de-Conflent, dans les Pyrénées-Orientales, sont renforcées en 1679. La Cova Bastera, une grotte casematée et le fort Libéria, complètent l’enceinte urbaine pour défendre le site.

Édifiés sur un sol marécageux, la citadelle, le fort Paté et le fort Médoc de Blaye et Cussac-Fort-Médoc, verrouillent l’estuaire de la Gironde. Ces nouvelles fortifications sont construites entre 1685 et 1692 sur les anciennes murailles médiévales. 

À Saint-Martin-de-Ré, en Charente-Maritime, la citadelle peut accueillir jusqu’à 1 200 hommes. L’enceinte, qui entoure la cité, est célèbre pour ses dimensions uniques avec ses 14 kilomètres de rempart. Ce site est le plus bel exemple d'un système de défense insulaire construit par Vauban.

La tour Dorée de Camaret-sur-Mer, contrôle la rade de Brest. Malgré des travaux inachevés, Vauban parvient victorieusement depuis la tour, à repousser une attaque ennemie en 1694. La tour Dorée tient son nom de la couleur de l’enduit, fait à base de briques.

Tournée vers l’Angleterre, la tour de Tatihou de Saint-Vaast-la-Hougue, prévient des attaques. Le fort, de vingt mètres de haut, est construit de manière à pouvoir supporter un siège.

  • Citadelle d'Arras ©Pierre André Leclercq
  • Fortifications de Besançon ©Adobe Stock
  • Fortifications de Briançon ©Jacky Jeannet
  • Murailles de Villefranche-de-Conflent ©Olivier Poncelet
  • Fort Médoc ©Eric Cowez
  • Citadelle de Saint-Martin-de-Ré ©Jean-Paul Bounine
  • Tour Dorée de Camaret-sur-Mer ©Sébastien Delaunay
  • Tour Tatihou de Saint-Vaast-la-Hougue ©shorty25

De nouvelles villes fortifiées pour défendre les frontières du royaume

Parmi les douze sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité par l’UNESCO, on compte quatre villes nouvelles, bâtie par Vauban selon ses propres plans de villes idéales.

En Meurthe-et-Moselle, à la frontière nord-est du royaume avec le Saint-Empire, la place forte de Longwy est bâtie à partir de 1679. Grâce au génie de Vauban, les constructions s’adaptent parfaitement aux contraintes d’un terrain en pente et escarpé. Longwy est dotée d’un église, d’un arsenal, de casernes et de puits. Assiégée à de nombreuses reprises, cette ville idéale conserve encore vivant ce patrimoine militaire d’exception.

Situé dans le Haut-Rhin, la place forte de Neuf-Brisach est construite, à partir de 1699, afin de veiller sur la plaine du Rhin, à l’est du royaume. Mais, les travaux sont longs et coûteux. L’intégralité du projet de Vauban ne voit donc pas le jour. Dès 1703, Neuf-Brisach perd sa position stratégique et son intérêt militaire.

La ville fortifiée de Mont-Dauphin, dans les Hautes-Alpes, a été érigée ex nihilo au cœur des montagnes, pour prévenir des attaques du duché de Savoie. Dominant le confluent du Guil et de la Durance, la forteresse de Mont-Dauphin permet d’accueillir plusieurs centaines de soldats.

Perchée à 1 600 mètres d’altitude dans les Pyrénées-Orientales, la citadelle de Mont-Louis est une ville neuve construite en deux ans. Tournée vers l’Espagne, la place forte veille sur la frontière sud du royaume.

  • Enceinte de Longwy ©Damien
  • Place forte de Neuf-Brisach, ©Jean-Pierre Lozi
  • Ville fortifiée de Mont-Dauphin ©tangofox
  • Remparts de Mont-Louis ©Alexis BORG

La mort d'un maréchal de France

Vauban devient maréchal de France à l’âge avancé de 69 ans, en 1703.

Sa bonne maîtrise du territoire français lui assure une légitimité auprès de la cour. Il alerte ainsi le roi sur l’état désastreux du royaume. Le peuple de France, affamé et éprouvé par les guerres, est plongé dans une grande pauvreté.

Dans ses écrits, considérés comme visionnaires pour l’époque, il prévient des dangers d’une révocation de l’édit de Nantes et met en garde sur la dégradation de la fiscalité du royaume.

Pourtant, la cour ne prête pas attention aux observations de Vauban. L’entourage du roi considère ses écrits comme perturbants pour la monarchie. Sa popularité diminue. 

Âgé de 73 ans, Vauban s’éteint en 1707, dans son domicile parisien de la rue Saint-Roch, loin du cœur battant de la cour et des honneurs officiels.

Sa dépouille est déposée dans son château bien aimé de Bazoches. De son corps dispersé durant la Révolution française, seul son cœur a été retrouvé pour être placé aux Invalides.


Le 
cœur de Vauban déposé aux Invalides en 1808

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