Pass Patrimoine 600 monuments 2022 page
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Le Domaine Départemental de Sceaux : 900 ans d'histoire

Avec trois millions et demi de visiteurs par an, le Domaine Départemental de Sceaux constitue un « poumon vert », à quelques kilomètres de Paris.

Aujourd'hui propriété du département des Hauts-de-Seine, ce parc est bien plus qu’un simple jardin public. Riche d’une longue et tumultueuse histoire, le domaine de Sceaux est un haut lieu du patrimoine français.

Alors que 2023 marque le centenaire de son acquisition par le Conseil général de la Seine, plongez dans le passé de ce site singulier, façonné par des personnages historiques et les soubresauts du temps.

Château du Domaine Départemental de Sceaux, Hauts-de-Seine, Île-de-France ©Ibex73

La naissance du domaine de Sceaux

Plan du parc du château de Sceaux au XVIIe siècle (inconnu)

C’est en 1120 qu’apparaît la première mention de Sceaux. Provenant du latin cellae signifiant « petites maisons », ce lieu n’est pas encore le domaine luxuriant que nous connaissons aujourd’hui.

Très vite, le site se dote d’une paroisse. Cette dernière prend son indépendance vis-à-vis de Châtenay en 1203, conférant à Sceaux une autonomie prolifique.

La cité se développe peu à peu, au fil des siècles,  un manoir appartenant à Pierre Baillet y est bâti.

À partir du XVe siècle, Jean II Baillet, fils de Pierre Baillet et seigneur de Sceaux, étend le domaine. Maître des requêtes ordinaires de l'hôtel du roi Louis XI, il rassemble les trois fiefs Ceaux-le-Petit, l'Enffermerie de Saint-Germain-des-Près et Ceaux-le-Grand dans un même ensemble. Le domaine de Sceaux apparaît enfin.

La seigneurie prospère et reste dans la famille des Baillet jusqu’en 1597. Faute d’entente entre les trois descendantes René, Isabeau et Charlotte Baillet, la propriété de 50 hectares est vendue à Louis Potier de Gesvres, époux de Charlotte Baillet.

Au début du XVIIe siècle, le nouveau seigneur fait bâtir un château avec son frère Nicolas III Potier.

C’est en 1612 que la seigneurie de Sceaux voit son destin basculer : le domaine est élevé en châtellenie puis, en 1619, en baronnie pour Antoine Potier de Sceaux, greffier des ordres du Roi.

Le Château de Colbert

Jean-Baptiste Colbert ©Philippe de Champaigne — Metropolitan Museum of Art, online collection

Devenu contrôleur général des finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert souhaite acquérir un lieu de villégiature, à la campagne, non loin de Paris et de Versailles. C’est ainsi qu’en 1670, il achète le domaine de Sceaux aux héritiers de René Potier, marquis de Gesvres, duc de Tresmes.

Soucieux de faire du château de Sceaux le reflet de sa réussite, il procède à des travaux de grande envergure.

Après avoir étendu sa propriété sur de plus vastes terres, Colbert fait agrandir le bâtiment existant. Encore dépourvu de jardins dignes de ce nom, il fait appel à André Le Nôtre pour concevoir un havre de verdure à la française.

Créé suivant un axe nord-sud, le jardin de Le Nôtre s’étend sur plus de 100 hectares. Bassins en demi-lune, Grand Canal, ainsi qu’une splendide cascade et un pavillon de l’Aurore rythment l’ensemble dans une harmonie certaine.

Le château de Sceaux n’est pas en reste. Colbert demande à de grands artistes tels que les sculpteurs François Girardon, Jean-Baptiste Tuby et le peintre Charles Le Brun de s'atteler aux décors de l’édifice.

Composé d’un corps central flanqué de deux pavillons, ainsi que de deux longues ailes également encadrées par deux pavillons, le lieu, propice à de somptueuses réceptions, voit le jour.

Parc du Domaine Départemental de Sceaux, Hauts-de-Seine, Île-de-France ©Nocidar - Adobe

Le faste du domaine et de ses fêtes, sous le marquis de Seignelay

Colbert s’éteint en septembre 1683, laissant à son fils aîné, le marquis de Seignelay, la jouissance de son domaine. Ce dernier poursuit le développement de sa propriété en réaménageant les intérieurs dans le goût de l’époque. En 1686, il dote l’édifice d’une orangerie, construite par Jules Hardouin-Mansart.

Pour agrandir le parc, le marquis de Seignelay, achète la seigneurie du Châtenay, portant la superficie du domaine à plus de 220 hectares. Afin d’enrichir ses jardins, il commande à Le Nôtre un second axe est-ouest. Les nouvelles terrasses sont ornées de parterres de broderies et de bassins divers.

Ce splendide décor est le théâtre de fêtes enchanteresses dont certaines sont restées célèbres. C’est le cas, notamment, de la réception du 16 juillet 1685 durant laquelle le roi Louis XIV et sa cour s’émerveillent devant la beauté de la plaine de la Patte d'Oie, du Grand Canal, ou encore du pavillon de l'Aurore.

Le marquis de Seignelay trouve la mort en 1690. Cet écrin de verdure revient alors au duc et à la duchesse du Maine.

Parc du Domaine Départemental de Sceaux, Hauts-de-Seine, Île-de-France ©JAG IMAGES - Adobe

De la splendeur à la destruction du château de Sceaux

Louise-Bénédicte de Bourbon duchesse du Maine, musée des beaux-arts d'Orléans, François de Troy ©François de Troy

Le duc du Maine, fils naturel et préféré de Louis XIV et de madame de Montespan, acquiert Sceaux en 1700. Le duc et la duchesse du Maine marquent la quintessence du prestige du domaine.

Ils poursuivent les travaux d’embellissement du château de Sceaux en faisant construire, par Jacques de La Guépière, le pavillon de la Ménagerie, aujourd’hui détruit.

À cette époque, la demeure s’anime de fêtes époustouflantes connues, dans l’histoire du château, sous le nom de Grandes Nuits de Sceaux. Les compositions musicales de Jean-Baptiste Matho, Jean-Joseph Mouret et de Marchand le fils, rythment ces nuits grandioses.

Grande admiratrice des lettres et de philosophie, la duchesse du Maine rassemble, à Sceaux, une cour littéraire des plus brillantes. Nombre de poètes, dramaturges et philosophes forment cette cour. En 1703, elle créé l’ordre de la Mouche à Miel.

Bien qu’aucune liste des membres officiels ne soit attestée, il semblerait que Voltaire ait fait partie de cette organisation.

Après de longues années de réceptions raffinées, le domaine de Sceaux passe, aux grès des héritages, au prince de Dombes puis au comte d’Eu, avant de revenir au duc de Penthièvre et finalement à la duchesse d’Orléans.

Cette succession de propriétaires marque la fin de la grandeur de Sceaux. Confisqué comme bien national en 1793, le domaine est transformé en école d’agriculture.

Acheté en 1798 par Jean François Hippolyte Lecomte, un négociant et homme d’affaires, le château classique est détruit au début du XIXe siècle. Bien que brutale, cette agonie ne sonne pas le dénouement de l’histoire du domaine qui se poursuit avec les Trévise.

Pavillon de l'Aurore du Domaine Départemental de Sceaux, Hauts-de-Seine, Île-de-France ©JFBRUNEAU - Adobe

La renaissance sous le duc de Trévise

Cruellement endommagés par leur démantèlement volontaire, le château et le parc de Sceaux reviennent, en piteux état, en 1829, à Anne-Marie Lecomte, qui épouse Napoléon Mortier, duc de Trévise.

Le couple entreprend, dès 1856, la construction d’un nouvel édifice, à l’emplacement même de l’ancienne demeure de Colbert.

Bâti dans un style Louis XIII, ce château arbore des façades en brique rouge et pierre blanche. Œuvre de Joseph-Michel Le Soufaché, célèbre architecte, ce monument a su braver le temps pour arriver jusqu’à nous.

Le parc, délaissé depuis des décennies, est soigneusement réhabilité par les Trévise, renouant avec son tracé d’origine. Les parterres de broderies, fontaines et cascades, pensés par Le Nôtre, recouvrent leur splendeur.

Année après année, la famille Trévise veille à la refondation et à l’entretien du domaine. Mais en 1923, Cystria Faucigny-Lucinge, descendante du duc et de la duchesse de Trévise, se détourne de Sceaux, cet imposant héritage qu’elle ne peut entretenir.

Les conseillers généraux visitant le parc de Sceaux le 5 juillet 1923, photographie (tirage moderne), archives municipales de Sceaux, fonds Dusseigneur ©Ville de Sceaux

Du déclin au rachat par le département de la Seine

Pour sauver ce site historique des marchands de biens peu scrupuleux et de l’urbanisation grandissante, le Conseil général de la Seine achète le domaine de Sceaux. Désormais bien public, il échappe à un second démembrement qui semblait inéluctable.

Le département de la Seine redonne ses lettres de noblesse au domaine, en établissant un programme de restaurations précis. Ce dernier vise à sauvegarder ce lieu de patrimoine, tout en offrant aux Franciliens une promenade publique idyllique, ainsi qu'un musée de l'Ile-de-France.

Par zones successives, l’administration départementale commanditaire du projet restitue sa beauté au domaine. Une nouvelle page de l'histoire de Sceaux se dessine.

Travaux près du Grand Canal, vers 1932-33, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, inv. NV-002-1093 ©Ville de Paris / Bibliothèque historique

L’exposition « 1923. Le domaine de Sceaux », une histoire de partage

Château du Domaine Départemental de Sceaux, Hauts-de-Seine, Île-de-France ©Louise Darrieu

Afin de célébrer le centenaire de cette acquisition salvatrice, le Domaine Départemental de Sceaux et le département des Hauts-de-Seine organisent, conjointement, une manifestation culturelle historique.

Aussi, l’exposition « 1923. Le domaine de Sceaux. Aux origines d’une renaissance » retrace, jusqu’au 9 juillet 2023, son histoire, des origines à aujourd'hui.

Dirigée par l’architecte Léon Azéma, la rénovation du château et du parc de Sceaux est racontée au fil de la visite grâce à des archives sonores, photographies et objets d'art. Ces pièces proviennent, notamment, des collections du musée du Domaine départemental de Sceaux.

Souhaitant faire apprécier le parcours sinueux de la réhabilitation du domaine, le département des Hauts-de-Seine offre une seconde exposition consacrée aux clichés du photographe Jean Eugène Auguste Atget. Dénommée « Sur les pas d’Atget », cette présentation prend place, jusqu’au 15 décembre 2023, au sein même du parc de Sceaux.

Du Petit château, au pavillon de l'Aurore, en passant par les fabuleuses cascades du jardin à la française, ces événements plongent les visiteurs au cœur de l'histoire du domaine. Une excursion entre art et mémoire, pour tout connaître de ce haut lieu du patrimoine, à deux pas de Paris.

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