La fête de l'Ours en Vallespir
Au pied des montagnes des Pyrénées Orientales, dans la vallée du Haut Vallespir, trois villages catalans perdurent une tradition ancestrale à travers la Festa de l’Os ou Drada de l’Os : la fête de l’Ours.
Chaque année en février, autour de la date de la fête de la Chandeleur, une légende venant du fond des âges, est mise en scène lors d’un fabuleux carnaval. Les festivités mettent au goût du jour, le folklore multiséculaire du Haut Vallespir.
Inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO depuis novembre 2022, cette fête se déroule dans trois villages du Haut Vallespir, à Arles-sur-Tech, Prats-de-Mollo-La-Preste et Saint-Laurent-de-Cerdans. Si la trame de la journée reste commune aux trois villages, quelques coutumes varient d’une fête à l’autre…
Paysage du Vallespir avec le pic du Canigou
De l’ours des Pyrénées aux pratiques rituelles anciennes
Cette région montagneuse, proche de la frontière avec l’Espagne catalane, est marquée par la présence de l’ours depuis des centaines de milliers d’années.
Au IXe siècle, des pratiques célébrant l’ours sont condamnées par les ecclésiastiques les jugeant trop païennes. Mais, au XVe siècle, ces fêtes deviennent populaires en Catalogne. Les textes racontent qu'à cette occasion, les hommes sont vêtus de peaux de bêtes noires.
Grâce à la tradition orale, des ethnographes et des folkloristes des XIX et XXe siècles, ont pu mettre à l'écrit le déroulé de ces fêtes de l'Ours.
Depuis ces trente dernières années, le patrimoine culturel de la fête de l’Ours a été remis à l’honneur après un déclin dans les années 1960.
La fête de l’Ours : rites et symboles
À travers la fête, ces villages pyrénéens célèbrent l’achèvement de l’hiver et le renouveau du printemps, marqué par la fin de l’hibernation de l’ours qui retourne terroriser les villages...
Cette bête est appelée Jean de l’Ours, un être à moitié humain et à moitié animal, symbole de la relation entre l’homme et la nature.
Véritable rite de passage, l’animal sauvage devient un homme civilisé au cours de la journée.
Certains y associent également la symbolique de la fertilité liée à la renaissance des beaux jours.
Chasse à l’ours et sardanes
Le conte mis en scène dans chacun des trois villages, relate l’épisode d’un ours féroce, en quête d’une compagne.
L’animal parvient à enlever une jeune fille. Les habitants s’organisent alors pour une grande chasse à l’ours afin de délivrer la captive.
Une fois attrapé, l’ours est traîné sur la place du village avec des chaînes, puis rasé avec une hache. L'histoire s'achève avec le changement de la bête en humain.
Après ces différentes scènes théâtralisées, la fête se poursuit avec des sardanes : danses sur des musiques jouées par une fanfare traditionnelle catalane, appelée la cobla. Les habitants forment une ronde pour danser le « bal de corre ».
Une fête de l’Ours théâtralisée à Arles-sur-Tech
À Arles-sur-Tech, village pittoresque construit autour d’une abbaye du XIe siècle, la journée débute avec un grand repas festif sur la place du village. Quelques villageois mettent en scène la recherche de l’ours et de la jeune fille, nommée Roseta.
Le reste du village participe également à la quête pour capturer l’animal. Dans la forêt, l’ours est retrouvé, puis amené sur la place principale dans un défilé de rires et d’applaudissements.
Sous le regard enjoué du public, l’ours est ensuite soumis à différentes épreuves pour tester son agilité. La journée s'achève avec de grandes farandoles autour de l’ours qui selon la légende, reprend une forme humaine.
Prats-de-Mollo-la-Preste : l'ours et les chasseurs
Dans cette ancienne station thermale encerclée par des fortifications médiévales, à Prats-de-Mollo-la-Preste, la fête de l’Ours s’ouvre avec le grand repas de chasseurs.
Trois jeunes du village se retrouvent ensuite au pied du fort Lagarde, citadelle du XVIIe siècle, pour se recouvrir la peau de suie et d’huile.
Vêtus de peaux de moutons, de toges de lin, de grands chapeaux et armés d’un bâton, les trois hommes se lancent dans une course-poursuite, à travers les ruelles de Prats-de-Mollo.
Ils tentent d’attraper les gens du village pour les marquer d’une trace noire.
Un carnaval de l’ours à Saint-Laurent-de-Cerdans
Saint-Laurent-de-Cerdans, ancien village d’ouvriers du textile, organise la fête de l’Ours tel un véritable carnaval.
Tous les habitants se regroupent près de l’église de Notre-Dame-de-la-Sort où surgit l’ours parmi la foule. Il tente d’attraper les jeunes filles qu’il trouve sur son passage.
Un personnage mystérieux, la Monaca, se promène au milieu des villageois dans son costume funèbre et terrifiant. Attention de ne pas croiser son regard sous son masque blanc ou vous devenez sa cible ! D'autres habitants participent à la fête en revêtant des costumes variés.
Après une cavalcade folle dans les rues du village, l’ours est capturé par le Meneur et montré sur les places de Saint-Lauren-de-Cerdans. Ce dernier récite haut et fort un poème catalan, La predica de l’Òs, contant les atrocités de la bête et les exploits du chasseur.
Une fois rasé avec la hache, l’ours devenu un homme, peut choisir une jeune fille parmi l’assemblée afin d’ouvrir la danse traditionnelle des sardanes.
La fête de l'Ours de 2015 à Saint-Laurent-de-Cerdans avec l'ours, la Manaca et le Meneur ©Marc Velasco