La renaissance des confréries corses
Les confréries représentent une part importante du patrimoine culturel et cultuel de la Corse. Au rythme du calendrier liturgique, elles ont animé tout un peuple à travers plusieurs siècles de rites et de traditions.
Plusieurs fois menacées de disparition, les confréries corses revivent aujourd’hui dans un élan intégrant l’histoire à la modernité.
Église Sainte-Marie de Sartène
Naissance, déclin et renouveau des confréries corses
Depuis leur création, les confréries de Corse ont connu bien des tourments historiques. Les contours de l’apparition des confréries corses sont assez flous, mais se précisent vers la fin du Moyen Âge. Sous l’inspiration des ordres franciscains, les confréries instaurent le rituel de la Passion du Christ et la notion de pénitence.
Par un décret du 18 août 1792, la Révolution française interdit les confréries. Elles sont alors en Corse au nombre de 300. Celles-ci luttent pour leur survie en continuant secrètement leurs activités. De nouveau autorisées sous l’Empire, les confréries corses regagnent progressivement leur place, au cours du XIXe siècle. La Première Guerre mondiale leur assène un nouveau coup : la Corse se mobilise fortement et 10 000 Corses meurent durant le conflit, entrainant la quasi-disparition des confréries.
Église de l'Annonciation à Sant'Antonino en Corse
Dans les années 1970, le mouvement du riacquistu (réappropriation) apporte la renaissance des confréries. La Corse souhaite se réapproprier son identité culturelle et manifeste à travers différents courants politiques et artistiques son souhait de définir les valeurs de la Corse de demain. Véritable symbole de ce mouvement culturel, les confréries réapparaissent sur le littoral et dans les terres, recréant des liens entre les villages les plus isolés.
Aujourd’hui, les confréries ont retrouvé leur place dans le quotidien de l’Île de Beauté. On dénombre 3 000 personnes réparties en près de 70 confréries, principalement en Haute Corse. Désormais, des confréries mixtes accueillent les femmes. La première confrérie exclusivement féminine, Notre-Dame-de-la-Miséricorde, est créée en 2012 à Ajaccio. Bastia, Olmeto puis d’autres villes suivent cet exemple tissant un lien supplémentaire entre tradition et modernité.
Les confréries sont intégrées à la société corse et représentent le témoin des temps passés et la fierté d’un peuple pour sa langue et ses traditions. Elles continuent de transmettre aux générations futures les valeurs de fraternité et de respect de l’Homme et de sa terre.
Rôle et fonction des confréries de Corse
Les confréries sont des associations de laïcs au service de l'église, mêlant à des rites communs, des pratiques différenciées selon le patrimoine local. Chaque confrérie possède sa propre église, ses habits, bannières et rites.
Les confréries de pénitents, de métiers, vouées à un saint ou à la vierge Marie, se retrouvent cependant autour d’un objectif commun : la défense d’une société idéale et égalitaire.
Les confréries suivent les trois vertus théologales que sont la foi, la charité et l'espérance. La mission principale des confréries corses est donc la pratique de la foi. Cet engagement s’exprime à travers la prière, le rassemblement, le chant, les processions...
Durant les fêtes patronales, les confrères portent leur châsse à travers la ville. Originellement censée contenir les reliques d’un saint, celle-ci symbolise le saint patron de la confrérie. La Semaine sainte est le temps fort du calendrier liturgique et le symbole historique des confréries corses, qui préparent cet événement durant l'année. La Semaine sainte débute le dimanche des Rameaux et s’achève le dimanche de Pâques.
Devant la communauté, chaque confrérie rejoue la Passion du Christ, dont le spectaculaire chemin de croix est accompagné de chants et de prières de pénitence.
Aux origines des confréries corses, la charité représentait la seconde mission des confrères, qui se devaient de venir en aide aux plus démunis et aux malades.
Aujourd’hui, cette dimension disparaît progressivement au profit d’actions d’intégration et de maintien du lien social. Des actions de solidarité et d'entraide sont mises en place : distribution de repas, soutien scolaire, aide aux adolescents en difficulté, collectes diverses...
La troisième mission historique des confréries est l’accompagnement aux morts. De nos jours, elle se traduit aussi bien par l'aide aux mourants lors des dernières volontés, que par le soutien aux familles sur le chemin du deuil.
Le chant polyphonique Corse
Le chant des confréries corses est la manifestation artistique de la foi, le témoin de la défense d’un peuple pour sa langue et le lien qui unit et rassemble les hommes.
Le chant sacré corse est marqué par une pratique polyphonique dans laquelle l’auditeur perçoit une certaine liberté d’ornementation. Les chants polyphoniques corses sont pratiqués par chaque confrérie qui les adapte suivant ses propres habitudes et règles séculaires. Ainsi, les confréries forgent à travers le chant, leur identité propre.
Cette richesse chorale s’exprime aujourd’hui à travers de nombreux groupes réputés dans le monde entier. Inspirés par Canta U Populu Corsu, apparu lors du riacquistu, ces ensembles vocaux se sont écartés du cadre sacré puis éloignés progressivement de la polyphonie traditionnelle par l'ajout d'instruments et le mélange des genres (I Muvrini, Les Nouvelles Polyphonies Corses, L'Arcusgi, A Primavera…).
Le chant est un symbole rassembleur des confréries et un facteur d’intégration fort. La formation des jeunes tient une part importante dans le fonctionnement des confréries. Elle renforce, à travers un noviciat très encadré, la transmission de leur héritage.
Parfois, les communautés de plusieurs villages doivent s’associer afin de rassembler un nombre de chantres suffisant. Le chant devient alors le fer de lance de la lutte contre la désertification rurale et contribue à renforcer le lien social entre les populations isolées.
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