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08/03/2022
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Clémence Botino - Hommage à Joséphine Baker

Portrait de Joséphine Baker en 1949

Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker est entrée au Panthéon. Artiste internationale de music-hall, militante anti-raciste et femme de la Résistance, Joséphine avait choisi la France.

C’est pour le Casino de Paris qu'elle interprète pour la première fois, « J’ai deux amours, mon pays et Paris », une mélodie qui témoigne à la fois de son statut d’étrangère fuyant un pays ségrégé et à la fois d’un amour sincère pour un pays, une ville, qui lui ont tout offert. Arrivée à Paris à 19 ans, elle devient une star de la Revue Nègre avant de rejoindre les Folies Bergères en 1927 pour devenir meneuse de revue. Cet événement lui confère une ascension fulgurante, car c’est vêtue de plumes roses et d’une ceinture de bananes qu’elle monte sur scène en dansant au rythme du tam-tam.

C’est en voulant allier costume national et profondeur historique que j’avais décidé de lui rendre hommage lors du concours de Miss Univers 2021. Mais comment rendre hommage à une Grande dame qui, au même titre que Simone Veil, avait suscité de la part de la patrie une grande reconnaissance ? Ceci est un jeu de mots que j’apprécie tout particulièrement.

Joséphine Baker au Panthéon en Novembre 2021 © JipéDan

En effet, pendant mes années à la Sorbonne, je passais souvent devant le Panthéon, je l’observais si souvent que j’avais retenu cette fameuse phrase « Aux grands hommes la patrie reconnaissante » que l’on peut lire, gravée sur la devanture du monument.
Peut-être qu’un jour, on féminisera tout cela. Car en effet, la présence de ces femmes au Panthéon est encore tristement timide et certainement peu mise en valeur. Sur 81 personnalités, elles ne sont que six ! Six femmes, issues d’époques, d’origines et d’histoires différentes. Parmi elles, on retrouve Simone Veil, Marie Curie ou encore Germaine Tillion.

Joséphine Baker en uniforme de l’Armée de l’Air française en 1948 © Studio Harcourt

À mon sens, il était primordial de parler de cet événement et de rappeler aux nouvelles générations qui était Joséphine Baker.

Elle portait en elle une certaine idée de l’Homme : libre, égal, universel. Elle rêvait d’un monde idéal, où chacun pourrait vivre en paix qu’importe sa couleur de peau ou sa religion.

Elle ne vivait pas seulement pour le succès de son art, mais c’est en militante acharnée qu’elle s’est accrochée à ses convictions au cours de sa vie. Cependant, construire un monde plus universel est un projet audacieux, non sans risques. C’est pourquoi cet idéal, son idéal, Joséphine l’a bâti chez elle au Chateau des Milandes.

C’est à ses douze enfants, tous adoptés et issus d’origines différentes que Joséphine a transmis ses convictions. Elle a créé la fameuse Tribu Arc-en-Ciel.

Joséphine Baker et 10 de ses 12 enfants

Quelle figure ! Quelle femme dira-t-on ! Cependant, « rendre hommage » à un tel symbole n’est pas chose facile. Chaque année, le choix et la création du costume national au concours de Miss Univers suscitent la curiosité de millions de personnes dans le monde. C’est une occasion rêvée pour parler d’un sujet important tout en mettant en valeur des talents de création.

Cependant, l’idée n’a jamais été de se « déguiser » en Joséphine, mais plutôt de réinventer les codes de ses différents, mais incontournables, costumes de cabaret. La France avait rendu hommage à la militante qu’elle était, il m’a donc semblé naturel d’associer mon univers au sien à travers un costume alliant féminisme et féminité.

Joséphine Baker vêtue de sa célèbre ceinture de bananes © photographie de Waléry, vers 1926

Après y avoir longuement réfléchi, il nous a semblé évident que Joséphine avait usé de sa féminité comme une force, et même une arme. En dehors des colliers de perles, des plumes, des bijoux plus ostentatoires les uns que les autres ; la vraie question a été d’intégrer, ou pas, la célèbre ceinture de bananes.

Si vous fermez les yeux, que vous pensez très fort à Joséphine, je suis convaincue que cette image est l’une des premières à vous traverser l’esprit. Je suis tout à fait d’accord, on ne peut nier le caractère suggestif et crûment sexuel de la ceinture. Les bananes assemblées tout autour de sa taille, libres de leur mouvement, beaucoup voient en elles une image bien dégradante de la femme…

Et pourtant ! Cette ceinture, c’est tout simplement Joséphine… Comme danseuse, comme mère, comme lieutenant, alors pourquoi la cacher ? On ne peut réécrire l’histoire, mais on peut certainement s’inspirer des codes d’une époque tout en la teintant de modernité.

Voilà donc, le projet était en route.

Clémence Botino en costume national pour Miss Univers 2021 - Tenue en hommage à Joséphine Baker © Christophe Corinus

Je vous partage ici notre costume national, en hommage à Joséphine Baker.

C’est une équipe 100 % féminine qui l’a réalisé : Vanessa, Jenna, Sophie, Maman et moi. Nous avons versé des larmes, mais de joie et de fierté.

Les bananes sont telles, posées comme deux revolvers prêts à être dégainés comme une arme. Elles ne couvrent plus les parties intimes et restent immobiles regroupées ensemble non loin des hanches. Les perles et les bijoux sont présents par millier, les plumes sont blanches, couleur de la paix et de la sagesse.

Je suis heureuse et fière d’avoir porté cet hommage jusqu’au bout.

Clémence Botino en compagnie de Brian Bouillon Baker au Black History Month

Et puis devinez quoi… J’ai eu la chance d’animer un débat sur Joséphine en compagnie de Brian Bouillon Baker, l’un de ses fils, l’un des membres de la Tribu Arc-en-Ciel, auteur de Joséphine Baker, l’universelle, lors du Black History Month en Guadeloupe.

Il m’a remerciée pour l’hommage ! Et, c’est toute émue que je lui ai demandé « Pensez-vous que Joséphine aurait été contente ? ». Il m’a répondu « Elle vous aurait pris dans ses bras et elle vous aurait dit merci ».

La vie c’est quelque chose.

Bonne Journée internationale des droits des femmes à toutes et à tous !

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