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15/10/2021
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Clémence Botino - L’origine du rhum dans la Caraïbe

Nous y voilà ! La fameuse deuxième chronique. Sincèrement le choix du sujet est toujours un casse-tête subtil. En vérité j’ai toujours une petite idée, mais je cherche à mettre en lumière des thèmes et des sujets qui me tiennent à coeur. Je m’inspire souvent de l’actualité, de mon actualité et j’ai réalisé que le mois de septembre avait durement sollicité mon palais et mon odorat.

Clémence Botino à la distillerie Longueteau en Guadeloupe

Attention soyez attentifs car ce petit clin d’œil est là pour vous mettre la puce à l’oreille. J’ai la chance depuis quelques mois d’honorer un savoir-faire et une histoire qui me sont chers.

Je suis désormais ambassadrice d’une distillerie de rhum en Guadeloupe et c’est tout naturellement que j’ai eu envie de vous conter l’histoire de ce prestigieux produit.
Fabien Humbert journaliste pour le magazine Rumporter écrit « l’Histoire du rhum est une formidable aventure où se croisent le meilleur et le pire de l’humanité ».

Cette histoire, aussi paradoxale soit-elle, révèle de nombreuses caractéristiques d’une économie, d’un art, d’une passion, d’une terre. Aujourd’hui c’est en tant que jeune femme passionnée, amatrice à ce jour, mais spécialiste un jour (je l’espère) que je vous parle du rhum.

Aux origines du rhum : la canne à sucre

Dans les champs de canne à sucre

La genèse du rhum, n’est autre que la canne à sucre. Avez-vous déjà goûté une canne à sucre fraîchement coupée ? C’est un régal ! C’est doux, frais, sucré, rafraîchissant. 

Lorsque je me balade en Guadeloupe, je suis frappée par ces étendues de canne qui brillent lorsque le soleil se couche. C’est un spectacle poétique, que l’on observe aux quatre coins de l’île. 

Cependant, la canne n’est pas du tout un produit originaire des îles, du moins pas avant l’arrivée des Européens en Amérique. 
La canne à sucre est originaire de Nouvelle-Guinée.
 Au fil des siècles, elle passe entre les mains de plusieurs cultures, les Perses, les Chinois, les Indiens jusqu’aux Européens qui lui feront traverser l’Atlantique. Le second voyage de Christophe Colomb marque un tournant dans l’essor de la canne dans la Caraïbe. 
Après avoir atteint plusieurs îles, dont la Guadeloupe, le navigateur génois fonde en 1494 l’île d’Hispanola (aujourd’hui partagée entre Haïti et la République Dominicaine).
 Il y cultive la canne à sucre grâce à des plants originaires des Canaries. 
Les Espagnols contribuent nettement à la diffusion de la canne dans les Caraïbescommence alors une lutte coloniale sans précédent entre pays européens avec, à la clé, l’industrie sucrière.
 

L'essor du rhum aux Antilles

Il est assez intéressant de souligner les raisons de l’essor du rhum dans la Caraïbe. 
À l’époque, les colons ne consomment presque plus de spiritueux venus d’Europe comme le cognac. Pour cause : un coût bien trop élevé.
 De ce fait, ils voyagent avec des alambics qu’ils utilisent pour distiller le jus de canne. 
Au même moment, les esclaves consomment aussi un rhum fabriqué avec des chutes de cannes récupérées dans les champs.
 Ils ont l’idée de faire bouillir le jus de canne et d’en boire la substance. On le surnomme alors « guildive » en anglais « kill-devil » (tuer le diable), ou « rhumbullion ». C’est un rhum d’une piètre qualité qui donne du courage aux braves.

Au XIXe siècle, avec la chute de l’industrie sucrière aux Antilles, due à la découverte du sucre à base de betterave, de nombreux colons et grands propriétaires sont contraints de vendre leurs exploitations. 
Les domaines sont rachetés puis transformés en distilleries dédiées au rhum.
 Dans le documentaire de Blaise Mendjiwa « Guadeloupe terre de rhum et des hommes », on retient qu’au début du XXe siècle, on recense 117 distilleries en Guadeloupe, contre 8 aujourd’hui.

En travaillant le rhum, je me suis rendu compte à quel point il était important de connaître sa terre. Le terroir est un élément essentiel dans la connaissance de soi, de son histoire et permet d’avoir un vrai regard sur une époque et une société.

 

Retrouvez ma première chronique sur la Sorbonne ici.