La porcelaine de Limoges, histoire d'un succès
La porcelaine et la capitale limousine sont devenues indissociables dans l’esprit des Français. Lorsque ceux-ci admirent les assiettes quasi-translucides finement décorées d’arabesques élégants, ils pensent immédiatement à Limoges.
Si la porcelaine a certes fait la richesse et la renommée du Limousin, ceci ne vaut que depuis la fin du XVIIIe siècle, lorsque l’aventure de la porcelaine connaît un vrai tournant.
L'année dernière, la porcelaine de Limoges fêtait son 250e anniversaire, à cette occasion, découvrez toute l’histoire de cet artisanat qui fait la fierté de la France.
Le prêtre et l'alchimiste
Depuis les temps anciens, la porcelaine est l’apanage de la Chine. Très coûteuses et très recherchées, les pièces de porcelaines sont acheminées dans les Cours d’Europe, d'abord par la Route de la Soie, puis par voie navale, via la route des Indes.
À la fin du XVIIe siècle, un Européen s’intéresse particulièrement à la fabrication de ces précieuses faïences : le père François-Xavier d’Entrecolles, jésuite originaire du Limousin, qui étudie en Chine, relate de manière détaillée le procédé de fabrication et de cuisson de la pâte à porcelaine, auxquelles il assiste.
Hélas, même le plus habile des artisans européens ne parvient pas à produire cette matière translucide sans défaut ni cassure.
C’est en 1710 que le secret de la porcelaine est percé, à Meissen, en Saxe. Un jeune alchimiste du nom de Johann Böttger, qui recherche sans succès la pierre philosophale, se rabat sur la porcelaine, plus rentable et moins risquée : c’est un succès !
Les débuts d'une épopée limousine
Dans les années 1760, on découvre dans les environs de Limoges, à Saint-Yrieix-la-Perche précisément, une poudre blanche, que les femmes utilisent parfois pour leur lessive.
Il s’agit en réalité de kaolin, un des ingrédients essentiels à la préparation de la porcelaine, avec le quartz et le feldspath. Il s’avère que de nombreux gisements de kaolin existent autour de Limoges.
Turgot, alors intendant du Limousin, comprend rapidement tout l’intérêt économique de cette découverte. La Cour de France représente un marché important, car le roi et ses courtisans importent à grand prix de la porcelaine de Saxe.
L’eau de la Vienne fera tourner les moulins, les forêts regorgent de bois de chauffage, et il y a à Limoges des faïenciers experts : Turgot appuie le projet d’une manufacture à Limoges. En 1771, une porcelaine dure est produite pour la première fois à Limoges.
Le roi Louis XV fait de cette fabrique une manufacture royale, qui passe ensuite sous le contrôle du comte d’Artois, frère de Louis XVI.
La clairvoyance des limougeauds a permis la naissance de cet or blanc, qui va devenir une manne pour la région.
Le sacre de la porcelaine de Limoges
Après la Révolution, un nom revient souvent à Limoges, celui de François Alluaud. Propriétaire de la manufacture des Casseaux, il est un pionnier du développement industriel de la porcelaine à Limoges. Il innove et améliore les procédés de fabrication, et acquiert la totalité des gisements de kaolin de la région.
Au début du XIXe siècle, les manufactures fleurissent dans la ville : chaque décennie voit une dizaine de nouvelles entreprises fondées. Elles créent des milliers d’emplois, nourrissent des familles entières et poussent les artisans à parfaire sans cesse leurs compétences.
La porcelaine de Limoges est de plus en plus réputée en Europe, et ses gisements alimentent en kaolin les manufactures allemandes, suisses, russes et d’Europe du Nord.
Les manufactures, multinationales avant l'heure
Avec l’arrivée du new-yorkais David Haviland à Limoges en 1842, l’histoire de la porcelaine connaît un nouveau rebondissement.
Sous son impulsion, on commence à exporter la porcelaine de Limoges outre-Atlantique. Les Américains dépensent sans compter pour obtenir les pièces si délicates et élégantes devant lesquelles ils se pâment.
Haviland fait également la promotion de la porcelaine dans le Paris du Second Empire, où elle remporte un franc succès. Les retombées économiques du travail de Haviland permettent d’investir dans des matériaux encore plus précieux et d’améliorer la qualité de la décoration.
Sortie de la manufacture Haviland avenue Garibaldi à Limoges © Collection four des Casseaux Limoges - Photothèque Paul Colmar
Les innovations techniques de la fin du siècle sont également à l’origine du succès des manufactures.
En 1878, un nouveau système de four industriel est créé et breveté à Limoges. Il permet de faire deux cuissons à des températures différentes dans un seul four ! L'un des derniers fours de ce type peut encore se visiter sur le site du four des Casseaux.
L’arrivée du chemin de fer, quant à elle, permet de transporter plus facilement les matériaux et réduit le risque de briser les précieuses pièces de porcelaine destinées à la vente.
De nouveaux horizons pour la porcelaine de Limoges
À l’aube du XXe siècle, le temps se gâte pour la porcelaine de Limoges. La crise économique de 1905 secoue le secteur et de nombreux mouvements sociaux ainsi que des grèves dures mettent en péril la production. Dans les décennies qui suivent, ce sont les deux guerres mondiales et la crise de 1929 qui ébranlent fortement le milieu.
Depuis les années 1980, les manufactures traversent une crise profonde et durable, due à la concurrence sans merci des fabricants asiatiques et à la délocalisation des ateliers.
Plusieurs manufactures ferment, les clients se font moins nombreux, et la porcelaine de Limoges devient un marché de niche, comme beaucoup d’entreprises de l’artisanat d’art. Cela ne l’empêche pas d’être inscrite en 2008 à l’Inventaire du Patrimoine Immatériel en France.
Toutefois, l’aventure ne s’arrête pas là… Aujourd’hui, la porcelaine de Limoges est certes le symbole de l’excellence des grandes maisons d’artisanat françaises, comme Haviland, ou Bernardaud, mais, elle est également à la pointe de l’innovation dans les domaines techniques, médicaux, militaires, car elle possède de nombreuses propriétés insoupçonnées.
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