Le château de Bagatelle : Folie du comte d'Artois
L’histoire de cette Folie débute par un défi, celui lancé par Marie-Antoinette au comte d’Artois. En septembre 1777, la reine de France parie avec son beau-frère qu’il ne peut pas faire élever sa nouvelle Folie à Bagatelle, le temps du séjour de la cour à Fontainebleau prévu pour 3 mois.
À cet emplacement trône déjà une Folie, érigée au début du XVIIIe siècle, lieu de débauche de la maréchale d’Estrées, de Melle de Charolais puis de Mme de Monconseil, où se rend fréquemment, en voisin, le roi Louis XV séjournant au château de Madrid. Il tire de cette histoire frivole son nom de Bagatelle.
Le château de Bagatelle dans le Bois de Boulogne à Paris
Bagatelle : érigé en 67 jours pour le Comte d'Artois
Le domaine est acquis en 1775 par le frère de Louis XVI qui se lance dans la nouvelle construction à l’instigation de sa belle-sœur. Le comte d’Artois fait ériger en 67 jours la Folie que nous connaissons aujourd’hui, avec seulement un demi-étage en moins.
Il déploie ici un style néoclassique avec 20 ans d’avance sur le goût de l’époque grâce à François-Joseph Bélanger, qui donne vie à tous les rêves architecturaux du comte d’Artois. Pour réaliser cet exploit, l’architecte fait appel aux meilleurs artistes et artisans de son temps. Plusieurs centaines d’ouvrier se relaient pour produire en un temps record tout ce qui se fait de mieux au XVIIIe siècle français.
Il fait de ce pavillon un lieu de fêtes et de plaisirs comme en témoigne, par exemple, la cuve à champagne de la salle à manger. C’est le dernier feu d’artifice de l’Ancien Régime.
Plan du domaine de Bagatelle, par Prieur d’après Bélanger - conservé aux Archives départementales des Hauts-de-Seine
Bagatelle : Destin brisé de 3 enfants !
Douze ans plus tard, alors qu’éclate la Révolution, le comte d’Artois s’exile. Bagatelle est saisi comme Bien national et transformé en cabaret. Napoléon Ier se l’approprie dès 1806 pour son séjour et celui de Joséphine.
Après son mariage avec Marie-Louise et la naissance de son fils, le château est transformé en pavillon de chasse, intégré au domaine du Roi de Rome.
C’est en ce lieu, dans le salon de musique, qu’en 1812, à la veille de la campagne de Russie, Joséphine rencontre le roi de Rome, contre le consentement de sa mère Marie-Louise. Cette entrevue est chargée d’émotions pour l’ancienne impératrice répudiée pour son incapacité à donner un enfant à son époux.
Avec la Restauration, le futur Charles X retrouve son bien. Cependant, marqué par son exil, son tempérament est profondément changé. L’ancien jeune homme, amoureux des femmes et de la fête, s’est transformé en homme pieux. Cette conversion se matérialise par une modification des décors du château de Bagatelle : les nombreuses femmes figurées dénudées sont recouvertes de voiles de pudeur.
Après ces changements de décor, le comte d’Artois offre sa Folie à son fils, le duc de Berry qui s’y marie en 1816. Il est assassiné en 1820, son bien revient à son fils à naître : le futur comte de Chambord.
Après le roi de Rome, c’est donc un nouvel enfant au destin brisé par l’histoire, qui est élevé en ces murs. C’est là qu’il se trouve en 1830, lorsque la Révolution de Juillet éclate.
Le domaine est délaissé par Louis-Philippe qui le revend en 1835 à un Anglais : le marquis d’Hertford. Il se prend de passion pour Bagatelle, fait ériger des superbes écuries et rehausser le château d’un demi-étage par un architecte peu connu : Léon de Sanges.
Ce proche de la famille impériale française reçoit à Bagatelle les plus grands noms de son époque et même la reine Victoria, qui séjourne en France en 1855, à l’occasion de l’Exposition Universelle.
Le prince impérial apprend à monter à cheval dans un carrousel érigé spécialement pour lui par Lord Hertford. La roseraie s’élève aujourd’hui à cet emplacement, mais le kiosque, où se poste l’impératrice pour suivre les leçons d’équitation de son fils, existe toujours. C’est le troisième enfant de l’histoire de Bagatelle à connaître un destin funeste.
Bagatelle : propriété de Richard Wallace
Richard Wallace, supposé fils naturel du marquis d’Hertford, hérite du domaine à la mort de celui-ci en 1871. Il est le créateur des célèbres fontaines Wallace, qui forgent aujourd’hui l’identité patrimoniale parisienne. Il fait remanier la cour d’honneur et construire une orangerie. Il élève également le Trianon de Bagatelle pour son fils qui décède avant de pouvoir y séjourner.
Faute d’héritiers, Bagatelle échoit au secrétaire particulier de Richard Wallace qui le démantèle. En 1905, la ville de Paris achète le domaine mais une grande partie du mobilier et des œuvres d’art sont déjà dispersés. Un certain nombre de sculpture et de pièces mobilières sont aujourd’hui conservées dans les plus grands musées du monde dont le MET à New-York.
Le Trianon de Bagatelle
Bagatelle : haut lieu diplomatique en cours de restauration
Au XXe siècle, la ville de Paris fait de Bagatelle un haut lieu de la diplomatie en y recevant tous ses invités les plus prestigieux, dont le roi George VI et son épouse, puis bien plus tard, leur fille, Elisabeth II. Édouard VIII, frère abdicateur de George VI, s’installe quant à lui dans la villa Windsor, à quelques centaines de mètres de Bagatelle, liant fortement la famille régnante anglaise au Bois de Boulogne.
Tous les grands noms de la Ve République passent à leur tour à Bagatelle : le général de Gaulle, mais aussi François Mitterrand ou encore Jacques Chirac y organisent de grandes réceptions.
Depuis les années 2000, le domaine a perdu de sa superbe et nécessite une grande restauration. C’est la Fondation Mansart qui va se charger de ce chantier.
Pour ce faire, ils font appel aux meilleures équipes de restaurateurs. Un célèbre décorateur français va s’occuper de la décoration de l’étage aujourd’hui particulièrement délabré.
Une partie du mobilier d’origine va également pouvoir revenir. En effet, un certain nombre de pièces du mobilier du comte d’Artois et du mobilier commandé par Napoléon Ier pour son fils pourraient être prêtés à Bagatelle pour sa grande réouverture.