La chapelle impériale de Biarritz, joyau de l'impératrice Eugénie
Dans le centre de Biarritz se trouve une petite chapelle en briques ocre, dont l’intérieur hispano-mauresque et romano-byzantin interpelle immanquablement le visiteur. La chapelle impériale de Biarritz, construite entre 1864 et 1865, à la demande d’Eugénie de Montijo, impératrice des Français et épouse de Napoléon III, est très liée à ce personnage étonnant de l’histoire de France. Passez les portes de ce petit bijou du Pays Basque et découvrez l’histoire à la fois personnelle et politique qui se cristallise dans ce bâtiment aux accents exotiques.
Biarritz, coup de cœur impérial
On a du mal à le croire, mais jusqu’au milieu du XIXe siècle, Biarritz n’est qu’un petit village de pêcheurs au bord de l’Atlantique, abritant à peine 800 habitants. Il est donc surprenant que Napoléon et Eugénie, couple impérial français, jette son dévolu sur cette commune pour y passer son voyage de noces à l’été 1854.
C’est que l’impératrice Eugénie a une histoire ici : depuis l’âge de huit ans, elle vient, tous les étés, faire une cure de bains d’eau de mer, pour soigner ses poumons fragiles. Très attachée à la Côte Basque et à la tranquillité charmante de Biarritz, elle convainc son impérial époux d’y passer l’été qui suit leur mariage.
Le maire de Bayonne leur prête donc sa villa, située dans le centre du village, dans le quartier Saint-Martin, et Eugénie s’y trouve si bien qu’elle décide d’acheter un terrain près de l'Océan.
À la fin de l’été, la décision est prise, l’impératrice fait construire une demeure à Biarritz : la Villa Eugénie.
Napoléon et Eugénie reviennent chaque été dans le petit village de pêcheurs qui, très vite, devient une destination et un lieu de villégiature très prisé du Tout-Paris.
Le chemin de fer dessert la station balnéaire dès 1860, le nombre d’habitants augmente en flèche. La tranquillité de la petite ville disparaît aussi vite.
Le calme qu’Eugénie chérissait tant à Biarritz fait cruellement défaut à l’impératrice.
Très pieuse Eugénie
Très pieuse, Eugénie fréquente assidûment les églises qui, à Biarritz, sont désormais pleines à craquer. C’est pourquoi, en 1863, elle émet le vœu de faire construire une chapelle dans son jardin.
Elle en confie la conception à Emile Boeswillwald, élève de Viollet-le-Duc et Inspecteur général des travaux des Monuments Historiques. Au bout d’une année d’échanges et de quatorze mois de construction, la chapelle est inaugurée le 5 mai 1865, jour de l’anniversaire d’Eugénie.
Si Eugénie ne profite que quelques étés de sa chapelle, celle-ci demeure très liée à l’impératrice. En effet, la chapelle est consacrée à Notre-Dame de Guadalupe, sa sainte patronne, figure tutélaire de la ville de Guadalupe et de l'Espagne, depuis le XIVe siècle.
Depuis son enfance, Eugénie prie la Vierge Marie également apparue au Mexique, au XVIe siècle, à un jeune idien.
Ses prières redoublent lorsqu’elle cherche, avec difficulté, à donner un héritier à son époux Napoléon III, afin d'assurer la dynastie. Enfin exaucée, elle donne naissance, en 1856, à un fils, Louis-Napoléon.
Elle fait dédier cette chapelle à Notre-Dame de Guadalupe pour la remercier de lui avoir accordé la maternité. La chapelle est intimement liée à cet événement : Eugénie fait graver entre les colonnades les lettres entrelacées N, E et L.
Détail des ornemantations des murs de la nef
Le visiteur remarquera de nombreux symboles qui témoignent de la dévotion d’Eugénie.
On peut ainsi observer la Vierge Noire de Guadalupe, dans sa mandorle, au-dessus de l’autel, entourée de ses attributs des roses et des lis. La représentation des évangélistes et des symboles eucharistiques permettent à l’âme des fidèles de s'élever, tandis que les fleurs et les grenades rappellent à Eugénie les vertus de générosité, de pureté et de fécondité qui lui sont chères.
Elle affectionne également le style hispano-mauresque de l’édifice, qui lui rappelle l’architecture de Grenade, sa ville de naissance, également symbolisée par le fruit éponyme sur les décors peints.
Vue du chœur de la chapelle impériale de Biarritz
Un symbole impérial
De nombreux détails de la chapelle impériale, nous rappellent aussi qu’elle est construite dans un contexte politique spécifique. Depuis 1861, l’armée française est engagée dans une expédition au Mexique, pour refouler une révolte contre le roi Maximilien, installé sur le trône par Napoléon III.
Eugénie dédie donc également la chapelle à Notre-Dame de Guadalupe, patronne du Mexique, pour des raisons politiques. Elle sollicite ainsi la protection des troupes impériales qui combattent et demande pardon pour cette guerre provoquée par la France, sur la terre qu’elle aime tant.
On décèle, dans les décors de la chapelle, plus d’un symbole du couple impérial. Dès le porche et jusqu’en haut des colonnes se trouvent les aigles, emblèmes de l’Empire, ainsi que des abeilles. Celles-ci, figurant sur le blason des Bonaparte, sont aussi le symbole de rois mérovingiens. Eugénie et Napoléon souhaitent ainsi asseoir leur légitimité, en représentant la transmission du pouvoir, depuis le premier roi de France jusqu’à l’empereur des Français.
Le porche de la chapelle avec les aigles impériaux
Emblème de la présence impériale à Biarritz, la chapelle échappe de peu à la destruction lors de la chute de l’Empire, en 1870. Elle est alors fermée par la municipalité.
Onze années plus tard, un avocat rend visite à Eugénie en exil en Angleterre. Il lui apprend qu’elle peut récupérer tous ses biens, confisqués lors de l’avènement de la Troisième République. L'ancienne impératrice est brisée par la mort de son mari et la disparition de son fils en Afrique. Également criblée de dettes, elle renonce à rentrer en France et se résout à vendre la chapelle impériale de Biarritz.
Plusieurs familles entretiennent la chapelle pendant plus de cent ans, jusqu’en 1981. À cette date la ville de Biarritz la rachète pour un franc symbolique. Elle est alors inscrite aux Monuments Historiques.
Eugénie disparaît en 1920, mais les différents propriétaires ont, jusqu’à nos jours, tous respecté le vœu pieux de l’impératrice déchue.
Chaque année, trois messes sont dites dans la chapelle, le 12 décembre en l’honneur de Notre-Dame de Guadalupe, le 9 janvier en souvenir de la mort de Napoléon III, le 1er juin pour célébrer la disparition de Louis-Napoléon.
Depuis 1920, on commémore dans la chapelle impériale, chaque 11 juillet la mort d’Eugénie, qui a tant contribué à développer ce petit village de pêcheurs basques.
Aujourd'hui la chapelle Impériale se visite avec l'Office de Tourisme de la ville.
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