Pass Patrimoine 600 monuments 2022 page
08/09/2020
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Heurs et splendeurs de l’Hôpital Laennec

L’Hôpital Laennec est une institution séculaire située sur la rive gauche de la Seine. Hospice, puis hôpital du réseau de l’Assistance-Publique – Hôpitaux de Paris, il est désormais le siège d’un groupe emblématique du luxe français : Kering.

Il ouvre exceptionnellement ses portes au public à l'occasion des Journées Européennes du Patrimoine 2020, une occasion à ne pas manquer !

(Plan Turgot de Paris en 1739, figurant l'Hôpital Laennec)

Une Histoire hors du commun :

Son histoire débute en 1634, lorsque le cardinal de La Rochefoucauld, Grand aumônier de France, abbé de Sainte-Geneviève et oncle du célèbre auteur des Maximes, obtient de l’Hôtel-Dieu la décision de bâtir un Hospice réservé aux pauvres dont les maux sont incurables.  Cet Hospice des Incurables, financé grâce à de généreux dons du cardinal et les legs de l’abbé François Joulet de Châtillon et Marguerite Rouillé, est érigé sur les terres de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, sur le chemin qui conduit à Sèvres.

Les travaux débutent par la construction de la chapelle, mais les premiers pensionnaires sont accueillis dès 1637 ; l’hospice compte 108 lits en 1658. Si la majorité des pensionnaires reçus sont des indigents, certains se démarquent par leur prestige.

Portrait de Marguerite Hessein de la Sablière par Pierre Mignard

C’est le cas de Marguerite Hessein de la Sablière, grande amie de Jean de la Fontaine et salonnière réputée, qui passe près de 10 ans de sa vie à l’hospice où elle reçoit nombre de ses célèbres amis dont l’épistolière Madame de Sévigné ou la romancière Madame de La Fayette.
À son départ, en 1693, son appartement est repris et agrandi par la duchesse de Luynes. Blaise Pascal envisage également de finir ses jours en ces lieux, mais il décède avant de pouvoir y emménager. De nombreux et illustres mécènes, dont Anne d’Autriche, Mazarin ou le duc de Luynes, permettent l’achèvement des travaux en 1757.

Superbe chaire en bois sculpté érigée au XVIIe siècle

La chapelle de l’établissement attire également les plus grands noms. Ainsi, le prédicateur Bossuet, soucieux du salut des âmes des pensionnaires, prononce un sermon du haut de la chaire de la chapelle tandis que plusieurs personnalités se font enterrer en ses murs. C’est le cas des trois fondateurs de l’hospice, mais aussi de Jean-Baptiste Lambert, qui a fait ériger le célèbre hôtel de l’Île Saint-Louis, ou encore de quatre membres de la famille Turgot, dont Jacques, célèbre ministre des finances de Louis XVI, considéré comme le fondateur de l’économie politique moderne.

À la veille de la Révolution, l’Hospice des Incurables compte 308 lits, mais les tumultes de cette période entraînent le départ des sœurs de la Charité qui s’occupaient des malades. En 1801, ce sont les hommes qui quittent l’établissement pour être soignés au sein de l’ancien couvent des Récollets, situé dans l’actuel Xe arrondissement. Les femmes partent à leur tour en 1869 et l’Hospice des Incurables est fermé. Mais les lieux ne restent pas déserts bien longtemps : avec le déclenchement de la guerre Franco-prussienne, l’hospice est transformé en hôpital. À nouveau abandonné après la défaite de 1871, il reprend cette fonction à partir de 1874 et ce pour 126 ans.

L'Hôpital Laennec en 1839 par Corard

C’est en 1878 que l’hôpital est baptisé Laennec, du nom de René-Théophile-Hyacinthe Laennec, médecin français qui a inventé le stéthoscope, instrument permettant une élaboration plus approfondie du diagnostic des malades, notamment dans les pathologies pulmonaires. C’est donc tout naturellement que l’hôpital se spécialise dans ce domaine et plus particulièrement le traitement de la tuberculose.
À partir des années 1930, l’Hôpital de Laennec se spécialise également dans la chirurgie de pointe et de nombreuses grandes avancées chirurgicales ont lieu entre ses murs. L’histoire médicale du bâtiment s’achève en 2000 quand l’AP-HP décide de fermer l’Hôpital Laennec afin de financer la construction de l’Hôpital Européen Georges Pompidou.
Une page se tourne pour le bâtiment multiséculaire mais laisse place à une nouvelle vie tout aussi brillante…

Après plusieurs années de travaux de restauration, le grand groupe de luxe français Kering installe son siège au 40 rue de Sèvre en 2016, faisant passer les lieux de l’excellence médicale à l’excellence du savoir-faire français.

 

Une architecture unique :

L’Hôpital Laennec est un bijou architectural édifié par le maître d’œuvre de la ville de Paris, Christophe Gamard, qui s’inspire des constructions italiennes. Sa façade de style Louis XIII, parée de pierres blanches et de briques rouges, ne manque pas de rappeler, entre autres, la Place Royale, aujourd’hui connue sous le nom de Place des Vosges.

La Chapelle est construite au centre de l’édifice, de manière à ce que la messe soit entendue dans l’ensemble des bâtiments. Sa façade est coiffée d’un fronton triangulaire dominé par un pignon et un lanternon tandis que sa nef supporte un clocher intégralement en bois, dernier de ce genre qui subsiste encore à Paris.

Plan de l'Hôpital Laennec en 1751

De chaque côté de la chapelle partent deux corps de bâtiments en forme de croix. Au sud, celui des hommes, au nord, celui des femmes. Les ailes de ces bâtiments sont construites sur trois niveaux : un rez-de-chaussée voûté qui accueille les pensionnaires, un premier étage destiné au personnel soignant, et des combles qui ont conservé leur exceptionnelle charpente en bois d’origine.
Les branches de ces deux croix délimitent huit cours creusées chacune d’un puits pour alimenter l’hospice en eau claire. Elles accueillent aujourd’hui des jardins somptueux et luxuriants, havres de paix au cœur de Paris.

Cet ensemble architectural a été intégralement restauré et remis en valeur avec l’arrivée de Kering en ses murs.

 

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