Les Juifs du Pape et leur patrimoine en Vaucluse
Une histoire millénaire
La présence d'une communauté juive est attestée en Provence depuis le Ier siècle de notre ère.
Chassés de France en 1307 par le roi Philippe Le Bel, puis de Provence en 1498 par Charles VIII, les Juifs trouvent refuge dans le Comtat Venaissin qui était alors une terre papale. Ils sont alors appelés les « Juifs du Pape ».
Carte d'Avignon et du Comtat Venaissin en 1620
Tout d’abord accueillis en tant que citoyens, ils sont, comme souvent dans l'histoire, petit à petit mis à l’écart.
La communauté juive est contrainte, dans un premier temps, de porter des signes distinctifs : rouelles et vêtements de couleur jaune.
Au XVe siècle, ils sont obligés de vivre dans des ghettos, appelés carrières (mots signifiant « rue » en Provençal), fermés par des chaînes puis des portes. La population hébraïque se voit alors interdite de pratiquer toute activité ne relevant pas de la friperie, de la brocante ou de l’usure.
Ce n’est qu’en 1791, suite à l’annexion du Comtat Venaissin par la France et la mise en application de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qu’ils recouvrent enfin un statut de citoyen à part entière.
Avignon, Carpentras, l’Isle-sur-la-Sorgue et Cavaillon, uniques lieux de vie autorisés pour les juifs pendant des siècles, conservent un patrimoine remarquable, aujourd'hui préservé et valorisé par les institutions publiques et privées.
Il mérite d'être redécouvert, nous vous le présentons aujourd’hui.
Synagogue de Carpentras
La Synagogue de Carpentras
Construite en 1367, c’est la plus ancienne synagogue de France encore en activité. Elle a été agrandie au XVIIIe siècle et classée Monument Historique en 1924. Des fouilles entreprises en 1992 ont mis à jour des éléments de l’époque romaine et médiévale.
Au rez-de-chaussée se trouvent une ancienne salle rituelle, deux mikvé dont un, creusé dans le roc, est alimenté par une source naturelle et une boulangerie avec deux fours pour cuire le pain, selon le jour ou la fête célébrée.
Au premier étage se trouve la salle de prière bâtie au XVIIIe siècle, elle est richement décorée dans un style baroque. C'est ce lieu historique qui accueille encore aujourd'hui les cérémonies de la communauté juive de Carpentras.
Cimetière juif de Carpentras
Le cimetière juif de Carpentras est, lui aussi, le plus ancien cimetière israélite de la région.
Il est fondé à partir de 1343, lorsque l'évêque Hugues accepte que cette communauté puisse créer son cimetière en échange d'une redevance annuelle.
33 bornes de 2 mètres de haut sont alors érigées, à l'extérieur des limites de la ville, à l'intersection des routes reliant Bédoin et Caromb, près de l'acqueduc alimentant la ville en eau.
En 1843, une souscription est menée pour entourer l'ensemble de murs, créer un portail moumental et réaménager des allées. À cette occasion sont également édifiés un dépositoire, une chapelle funéraire commune et une ghéniza servant à abriter les livres et objets de culte hors d'usage.
Après la profanation menée par des néonazis en 1990, le site est finalement classé Monument Historique en 2007. Plus de 900 sculptures y ont été inventoriées.
Le Mikvé de Pernes-les-Fontaines
La ville de Pernes-les-Fontaines est la seule à posséder deux bassins rituels situés dans une propriété privée et non liés à une synagogue.
Ils sont tous les deux localisés dans des hôtels particuliers, bâtis sur l'actuelle Place de la Juiverie, autour de laquelle était rassemblée la communauté israélite de Pernes entre 1504 et 1569, avant d'être expulsée vers l’une des quatre carrières officielles : Avignon, Carpentras, l’Isle-sur-la-Sorgue et Cavaillon.
Le premier, connu depuis bien longtemps appartient au majestueux hôtel de Cheylus, du nom des propriétaires de l'hôtel après l'expulsion des juifs de la ville. Le second a été redécouvert au cours de fouilles en 2016. Ils sont chacun alimentés par des sources, pour accomplir les rites de purification liés au culte hébraïque.
La Synagogue de Cavaillon
Construite au XVIIIe siècle en plein milieu de la carrière de la ville, la synagogue de Cavaillon est un chef d’œuvre du syncrétisme entre les cultures juives et provençales de l’époque : elle possède un riche mobilier Louis XV.
Le lieu est divisé en deux blocs superposés bien distincts.
La salle haute, uniquement accessible par un escalier extérieur, est la salle de prière réservée aux hommes. C’est là que se déploie le décor le plus riche de l’édifice.
La salle basse est celle des femmes avec la table à pétrir et les fours pour cuire le pain. Depuis les années 1960, elle abrite les collections du Musée Juif Comtadin.
Visite virtuelle de la synagogue de Cavaillon
Le cimetière juif de l’Isle-sur-la-Sorgue
Comme en Avignon, la majorité du patrimoine juif de l'Isle-sur-la-Sorgue a été détruit au XIXe siècle, suite à l’abandon de celle-ci par la communauté hébraïque.
Encore une fois, la toponymie de la ville témoigne de cette ancienne occupation : la « place de la Juiverie » était au cœur de la carrière ou encore la rue Louis Lopez, qui était fermée par la porte ouest de la carrière, encore fréquemment appelée « ancienne rue Hébraïque » par les habitants de la ville.
L'Immeuble Beaucaire, daté du XVIIIe siécle, témoigne encore de la vie dans la carrière à cette époque.
Le dernier élément concret de cette présence est le cimetière israélite situé sur la route de Caumont. Même si les recherches actuelles ne permettent d'attester sa présence que depuis le XVIe siècle, il est fort probable qu'il existait à cet emplacement dès le Moyen Âge.
Le cimetière est largement agrandi en 1736, suite à l'augmentation de population dans la carrière au XVIIIe siècle, il est finalement désaffecté après le début de la Seconde Guerre Mondiale, avant d'être inscrit Monument Historique en 2008.
Cimetière juif de l'Isle-sur-la-Sorgue © direction du patrimoine de l'Isle-sur-la-Sorgue
La Synagogue d’Avignon
En Avignon, les remaniements de la ville au XIXe siècle ont fait disparaître les vestiges anciens de la présence juive en ses murs. En 1844, la synagogue médiévale est détruite dans un incendie. Elle est reconstruite quelques années après, c’est celle-ci qui est toujours en activité aujourd’hui.
La présence séculaire des Juifs dans la Cité des Papes est cependant remarquable grâce au nom des rues telles que « rue de la Vieille Juiverie », ou encore « rue Jacob » et « place Jérusalem », où était implantée la Carrière et où se trouve toujours la synagogue aujourd’hui.
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