Salon International du Patrimoine Culturel 2021: 4 savoir-faire artisanaux d'exception à découvrir
Salon du patrimoine 2021 : 4 savoir-faire artisanaux d’exception à découvrir
Pour la 26e année, le Salon international du Patrimoine Culturel se tiendra au Carrousel du Louvre à Paris du 28 au 31 octobre 2021.
Rendez-vous incontournable pour les acteurs du secteur, il rassemble plus de 300 exposants et 20 000 visiteurs venus du monde entier pour partager autour d’une passion commune : le patrimoine. À cette occasion, J’Aime mon Patrimoine vous présente 4 savoir-faire artisanaux d’exception à (re) découvrir sur place.
Un kaléidoscope de savoir-faire au Centre européen de Formation aux Arts du Verre
Un art du verre à la pointe de la recherche et de l’innovation
Depuis 30 ans, le Centre européen de Formation aux Arts du Verre forme chaque année près de 300 apprenants sur l’ensemble des disciplines et techniques dédiées au verre. On pense bien sûr au traditionnel soufflage de verre à la canne, mais ce matériau offre un véritable kaléidoscope de savoir-faire. L’art du vitrail, la décoration sur verre ou encore la pâte de verre, à qui la célèbre Maison Daum a donné toutes ses lettres de noblesse, sont quelques-unes des disciplines auxquelles viennent se perfectionner designers, artistes, verriers et industriels du secteur.
La peinture sur verre : l’une des nombreuses disciplines auxquelles viennent se former les artisans au CERFAV
On y retrouve aussi des enseignements moins connus du grand public, comme celui de la verrerie scientifique par laquelle on réalise encore à la main avec un chalumeau de nombreux instruments de laboratoires, comme les évaporateurs. Une pratique unique que les machines ne savent pas reproduire et qui se trouve au cœur des enjeux de transmission patrimoniale.
Pour autant, la formation dispensée par l’établissement se veut résolument tournée vers l’avenir : « ce sont des métiers anciens mais ce ne sont pas des métiers poussiéreux », comme le confie Sébastien Kieffer, Directeur pédagogique du CERFAV. Tout l’enjeu pour ces artisans est donc de savoir évoluer pour transmettre : « le souffleur de verre travaille la même matière qu’il y a 2000 ans ; mais l’évolution des métiers est réelle » poursuit Sébastien Kieffer.
Ici, la transmission passe aussi par l’innovation et la création par l’expertise scientifique et technique. De la conception au prototypage, les artisans sont invités à travailler sur des imprimantes 3D et à aborder des questions sur les techniques de captation des gestes ou de réalité augmentée par exemple
Vitrail d'un apprenti © Matteo Barone
De l’Égypte ancienne à l’École de Nancy : perpétuer l’art subtil de la pâte de verre
Mais que les amateurs d’arts traditionnels se rassurent : pas question pour autant de briser la chaîne de transmission des techniques ancestrales. Miroir des civilisations, le verre existe depuis plus de 3000 ans. Les Égyptiens le travaillaient déjà sous le format de la pâte de verre. Ils faisaient fondre de la matière vitreuse pour en faire des petites amulettes. Remis au goût du jour par l’école de Nancy au début des années 1900, ce savoir-faire ancestral est aujourd’hui perpétué par le CERFAV.
La technique de la pâte de verre : un savoir-faire ancestral perpétué au CERFAV
Ainsi, ce qu’on souhaite obtenir en verre, il faut d’abord l’avoir en cire. Ce morceau de cire va ensuite être emprisonné dans un plâtre réfractaire. Une fois qu’il a durci, on passe l’ensemble dans une étuve et, sous l’action de la chaleur, la cire va fondre et s’écouler. C’est ce qu’on appelle la procédure de cire perdue. Les artisans récupèrent alors un moule creux qui, une fois sec, va être placé à l’envers avec des morceaux de verre. Il sera chauffé à 900 degrés pendant plusieurs jours (de 4 jours à 3 semaines). Après refroidissement, l’ensemble est sorti pour que l’on puisse venir gratter le plâtre et ainsi sortir la pièce de verre.
Chaque étape de fabrication détruit donc la précédente. C’est pourquoi cette technique est onéreuse et requiert patience, précision et soin. Un véritable travail d’orfèvre que le CERFAV contribue à valoriser. Un talent qui rayonne encore aujourd’hui à travers les lustres Art nouveau de la Villa Majorelle à Nancy.
Au Salon International du Patrimoine Culturel, le CERFAV propose une démonstration et explication du montage d’un vitrail – découvrez les étapes et gestes, posez toutes vos questions au responsable d’atelier.
Un patrimoine cousu main à l’Hôtel de la Dentelle de Brioude
L’Hôtel de la Dentelle : entre héritage et avant-garde
Préserver, développer et transmettre le savoir-faire de la dentelle aux fuseaux. Tel était le leitmotiv d’Odette Arpin, Meilleur Ouvrier de France, lorsqu’elle fonde l’Hôtel de la Dentelle en 1986. À cette époque, c’est un pari osé pour un secteur en crise. Alors qu’elles étaient près de 120 000 dentellières en Haute-Loire dans la seconde moitié du XIXe siècle, le XXe siècle et la mécanisation conduisent à la quasi-disparition de cet art traditionnel.
Odette Arpin comprend qu’il faut agir, et vite. Son école a pour vocation, non seulement de faire perdurer la dentelle de Cluny, mais surtout, de la réinventer. Ici, on travaille désormais en soie et en couleurs. Odette Arpin offre ainsi une reconnaissance hors de nos frontières au Cluny Polychrome de Brioude.
Le maître-mot de l’Hôtel de la Dentelle, c’est la recherche constante pour faire évoluer la technique et proposer des créations inédites : « pour préserver ce savoir-faire et attirer de nouvelles personnes en formation professionnelle, il n’y a qu’une solution : innover en permanence et être dans l’excellence » souligne Mathias Cazin, coordinateur de l’Hôtel de la Dentelle. Bijoux, sacs, chapeaux… Rien n’est trop fou pour ces passionnées, à l’image de Nathalie Bailli, Meilleur Ouvrier de France en 2007 et Responsable Atelier et Formation depuis 2018.
Cette exigence est récompensée en 1996 lorsque la Maison Balmain et Oscar de la Renta commandent à Odette Arpin et ses équipes un incroyable bustier fait main aux motifs inspirés de la nature. Cette pièce unique a requis plus de 1100 heures de travail et a assuré à l’Hôtel de la Dentelle une renommée internationale. De telles pièces n’auraient pas été possibles sans les méthodes novatrices des dentellières.
Pour chaque nouvelle création, il y a tout d’abord une idée à laquelle Nathalie Bailli et ses équipes vont venir donner vie grâce au dessin, qui leur permet de placer les motifs. Elles vont ensuite procéder à ce qu’on appelle la mise en carte. Elles utilisent des rotrings, qui sont des stylos à l’encre de chine, et placent alors leurs points à certaines distances en fonction du fil qu’elles vont travailler : c’est là que seront placées les épingles. Il ne leur reste alors plus qu’à s’armer de leurs fuseaux, et surtout, de beaucoup de patience car il faudra de longues heures pour parachever ce travail de précision.
À l’Hôtel de la Dentelle, suivre le fil de la transmission
Une fois terminées, les pièces uniques rejoindront la salle d’exposition. Car l’Hôtel de la Dentelle, c’est aussi un incroyable espace culturel dédié à la découverte de ce matériel exceptionnel et de l’histoire profondément européenne de cet art aux mille facettes.
C’est une véritable collection d’œuvres artistiques qui se succèdent sous les yeux du visiteur, invité à découvrir la dentelle comme il ne l’a jamais vue. Une institution qui ne pourrait vivre sans l’engagement et la disponibilité sans faille des bénévoles.
Quant aux autres créations, elles viennent nourrir les parutions qui inspireront les dentellières de tout le pays.
Grâce à son travail de recherche, l’Hôtel de la Dentelle leur permet de reproduire des créations originales à l’aide de dessins agrandis où elles retrouveront le nombre de fuseaux pour chaque trait et toutes les explications détaillées.
Un partage des savoirs qui est parfois mis à mal par les réseaux sociaux et qui reste pourtant essentiel à la préservation patrimoniale.
Au Salon International du Patrimoine Culturel, l'Hôtel de la Dentelle de Brioude vous fera une démonstration d'une réalisation partielle d’une dentelle en Cluny Polychrome de Brioude et vous permettra de vous initier à la dentelle aux fuseaux.
Un artisanat sans fausse note avec Victor Mangeol, facteur d’orgues
15 métiers en un pour ce savoir-faire unique
Charpentier, menuisier, musicologue ou encore tabletier. Victor Mangeol a plus d’une corde à son arc. Il est facteur d’orgues, une profession qui contient à elle seule plus de 15 corps de métiers différents. C’est pourtant bien l’amour de la musique qui a conduit ce Vosgien à choisir cette vocation un peu insolite.
Issu d’une famille de musiciens, il décide à 9 ans d’apprendre tous les secrets de ce drôle d’instrument grâce à un grand-oncle prêtre qui lui fait visiter son clocher. À 12 ans, un facteur d’orgues vient faire le diagnostic de l’orgue sur lequel il s’exerce : c’est la révélation ! « J’ai pu constater le gigantisme de l’instrument, que c’est complètement mécanique, la soufflerie, les tuyaux, c’était mystérieux. J’étais comme un gosse devant une confiserie pleine à craquer » confie-t-il.
Après avoir entamé ses études au conservatoire, Victor choisit de continuer de vivre sa passion côté manuel. Ce n’est pas loin de trois diplômes différents qu’il lui faut acquérir avant d’enfiler lui-même le costume de facteur d’orgues : un CAP ébénisterie, une formation en tuyauterie et en orgue, sans parler de la musicologie !
Le facteur d’orgues ne se contente d’ailleurs pas de donner une seconde vie à cet objet massif, qu’on associe souvent aux églises. Il se spécialise aussi dans la restauration d’harmonium, un instrument très en vogue dans les salons au XIXe siècle et qui revient petit à petit sur le devant de la scène. Si les communes sont ses principales clients, Victor répond aussi aux commandes des particuliers, par exemple les musiciens professionnels.
Dans ce métier, il faut en effet avoir plusieurs casquettes ! Tout commence par une étude historique, voire archéologique de l’instrument : comment a-t-il été modifié ? Quels agrandissements successifs a-t-il subi ? On choisit ensuite la période de revisitation la plus avantageuse pour l’orgue, celle qui va être à même de révéler au mieux toute sa beauté et sa puissance.
« Apprendre à écouter ce qu’est un orgue »
Il faut alors mettre en place un cahier des charges techniques avant de le démonter, complètement ou partiellement. Les pièces sont toutes revisitées, mesurées, nettoyées. On établit même un plan en 3D de l’instrument en prenant des mesures des tuyaux pour garder tout cela en archive.
Plus tard, toutes les pièces usées sont changées, par exemple les peaux de moutons des soufflets qui sont utilisées comme joints d’étanchéité. Ces pièces sont alors recollées à la colle ancienne et l’on tâche d’utiliser un cuir de même qualité que le cuir d’origine. Il faudra par ailleurs désoxyder tous les métaux qui concernent la mécanique, les rééquilibrer. Toutes les parties accessibles à l’organiste doivent être revisitées avant que Victor ne décide enfin de remonter l’instrument pour l’harmoniser.
Là, tous les tuyaux seront joués séparément puis entre eux. C’est alors l’oreille du facteur d’orgues qui travaille : il imagine une courbe, ce qu’il appelle « l’art du son ». Il restera à accorder cet engin quasi mystique plusieurs fois pour qu’il se stabilise, avant d’entamer les finitions pour réception des travaux et inauguration.
Le travail de facteur d’orgue est-il alors resté exactement le même ? Pas exactement ! Aujourd’hui, ces passeurs d’un savoir-faire traditionnel travaillent aussi en dessin industriel ou même sur des orgues à transmission électrique !
Pour Victor, l’enjeu de demain est clair ! Pour transmettre ce savoir-faire si particulier, il faut « sortir les orgues des églises » ! Le facteur d’orgues considère par ailleurs que l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, aussi dramatique soit-il, a mis en lumière cet instrument d’exception. Les médias se penchent désormais sur les méthodes de restauration pour les faire connaître au grand public, comme c’est le cas actuellement avec l’orgue de la Cathédrale de Nancy.
Lors des Journées du patrimoine, il est allé à la rencontre des élèves de primaire pour leur présenter cet objet qui reste, pour beaucoup d’entre eux, une source de mystères. Le Vosgien se bat contre l’image triste et austère de ce que Mozart considérait comme « l’instrument roi ». C’est un instrument « orchestre », avec lequel on peut faire des tas de choses : « il suffit simplement d’apprendre à écouter ce qu’est un orgue ».
Au Salon International du Patrimoine Culturel, rencontrez Victor Mangeol et admirez sa démonstration de fabrication de tuyaux d'orgues.
Les artisans au service de la valorisation d’un territoire : l’Île aux artisans de la commune de Sallertaine
Faire rayonner Sallertaine
Au cœur de la Vendée, nichée sur un ancien îlot calcaire et embrassée par les marais, la commune de Sallertaine offre un cadre pittoresque à ses visiteurs. Pour Luc André, président de l’association « L’ÎLE aux artisans », c’est sans doute ce cachet particulier qui a conduit de nombreux artisans d’art à s’y installer dans les années 1980.
Au départ, ce sont quelques ateliers qui viennent parsemer la commune de façon informelle. Très vite, les artisans, accompagnés par d’autres partenaires comme le prestataire d’activités de découvertes La Route du Sel, constatent la force de communiquer autour de leurs savoir-faire. En 1986 est donc née l’association « L’île aux artisans », qui se donne pour vocation de développer le village sur le plan touristique.
Cela fonctionne « en mêlant les enjeux de développement touristique aux enjeux de développement de l’artisanat d’art » précise Luc André. Il y a « un partenariat fort avec la collectivité qui a une action engagée depuis 30 ans ». Lorsqu’une opportunité se présente, la commune rachète de l’immobilier dans le village pour le mettre ainsi à disposition des artisans d’arts qui vont s’en servir d’atelier.
Artisan pratiquant la reliure artisanale traditionnelle à la française
Aujourd’hui, une quinzaine d’artisans d’art sont présents en permanence sur la commune, et ils sont près d’une trentaine en saison. Des disciplines aussi variées que l’émaillage sur cuivre, la maroquinerie, la reliure artisanale traditionnelle à la française ou encore l’ébénisterie se rencontrent pour faire briller les yeux des visiteurs. Une complémentarité des métiers à laquelle est très attentive l’association qui tient à continuer d’enrichir sans cesse son offre d’artisanat de différents savoir-faire.
Un modèle économique tourné vers l’avenir
Pour Luc André, si Sallertaine est désormais reconnue pour son artisanat, c’est notamment grâce à l’imbrication de trois logiques distinctes mais complémentaires. Tout d’abord, le système repose pour les artisans sur la gestion de leur entreprise dans un sens de développement économique. Par ailleurs, pour être présent à Sallertaine, les artisans ont ainsi l’obligation de participer activement à la vie de l’association (minimum 20 jours par an), notamment dans le cadre des commissions. C’est le véritable moteur de cette dynamique locale.
Enfin, l’obtention du label « Villes et Métiers d’art » par la commune en 2011 a conforté cet engagement et le niveau de qualité des artisans d’art présents sur place. Ainsi, en conjuguant le modèle associatif à la prise de responsabilité économique et au soutien des autorités publiques, le village est devenu l’un des plus prisés des amateurs d’artisanat. Il continue aussi d’attirer les artisans, avec plus de demandes actuellement que d’ateliers disponibles pour les accueillir.
Là est d’ailleurs la clé pour faire perdurer ces savoir-faire traditionnels selon Luc André : « il faut inscrire l’artisanat dans les enjeux de développement durable, dans les évolutions de la société et dans les réalités économiques ». Un bel exemple de valorisation de notre patrimoine culturel.
Au Salon International du Patrimoine Culturel, rencontrez les membres de l'Association et admirez le travail d'un de ses membres, spécialisé en reliure artisanale à la Française.