L’esprit et la main
Cette semaine, comme chaque année, j’ai assisté à une cérémonie qui me tient à cœur car elle porte à son plus haut niveau la reconnaissance due aux métiers d’art. Organisé depuis 1999 dans le cadre de la Fondation Bettencourt Schueller, le Prix « Pour l’Intelligence de la main » récompense les talents de ceux qui dans l’ombre de leurs ateliers partent à la recherche de l’excellence.
Ces conquérants de la beauté défendent un savoir-faire séculaire et perpétuent une tradition souvent fragile. Peu prisés, peu rémunérés, délaissés par une civilisation qui attache plus d’importance à l’immédiateté qu’à la patience et à la longueur de temps, certains métiers tendent à disparaître..
Comment ne pas s’interroger sur le devenir des plumassiers, dinandiers, gantiers, brodeurs, plâtriers, staffeurs, stucateurs, céramistes, souffleurs de verre et autres spécialistes dont l’existence souvent précaire est marginalisée voire éradiquée au nom de la modernité ?
Souffleur de verre
Et pourtant quelle belle leçon de vie nous avons reçu au cours de cette remise de prix ! Comment ne pas être ému quand ces artisans d’art prennent la parole, lorsque jeunes ou plus âgés s’expriment avec cette passion si caractéristique de ceux dont la création est l’unique ambition?
Aucune société ne peut se survivre à elle-même si elle ne respecte pas l’héritage du passé. Il n’y pas d’innovation sans tradition.
C’est pourquoi j’ai été particulièrement sensible aux interventions des représentants de l’Association ouvrière des Compagnons du devoir. Récompensés pour le remarquable « parcours » de ces hommes et ces femmes qui ont su léguer de génération en génération l’amour de l’artisanat, ils ont insisté sur la nécessité de maintenir ce patrimoine de compétences, non seulement par l’enseignement mais encore et surtout par la transmission d’expérience.
Les formations proposées ne se limitent pas à inculquer des techniques, elles vont au-delà de l’aspect purement professionnel. Si le but est de faire en sorte que chacun ou chacune s’épanouisse dans son métier, il faut « qu’une tête bien pleine soit aussi bien faite ». D’où la nécessité pour les Compagnons de voyager en France ou à l’international afin d’aller à la rencontre des autres et de leurs savoirs ; d’où l’obligation de vivre en communauté le temps de l’apprentissage pour comprendre l’importance du partage et du « vivre ensemble ».
Les Compagnons du Devoir en cour d'apprentissage
Cette association exemplaire dispose aujourd’hui de 100 implantations en France et de 45 antennes à l’étranger. Plus de 10000 jeunes sont formés chaque année dans 6 filières majeures qui couvrent 28 corps de métiers.
Pour soutenir et enrichir ces parcours d’exception ; afin d’éviter l’étiolement de ce trésor artisanal, un magnifique projet est en cours de réalisation. Il s’agit de créer une bibliothèque virtuelle chargée de recenser les savoir-faire, les matériaux, les outils et toute information permettant de pérenniser une science qui s’enracine dans les profondeurs de notre pays.
Compagnon du devoir en plein travail
Si « l’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme », selon Malraux, l’esprit et la main à travers l’artisanat d’art en est le raccourci le plus emblématique.
Patrick de Carolis
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