Pass Patrimoine 600 monuments 2022 page
16/12/2022
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6 chefs-d’oeuvre de la peinture à découvrir en Bourgogne-Franche-Comté

Savez-vous que la région de Bourgogne-Franche-Comté rassemble 95 musées, dont près d’un tiers est dédié à l’Art ?

Des vastes collections assemblées pendant des décennies aux héritages plus intimes de collectionneurs privés, voici 6 chefs-d’œuvre de la peinture à découvrir en Bourgogne-Franche-Comté.

La Nuit Verte de Marc Chagall, au Musée d’Art Moderne de Belfort

Au rez-de-chaussée du musée, parmi les peintures cubistes des galeries épurées, La Nuit Verte de Chagall surprend le visiteur. Sur un décor en trois strates bleu-jaune-vert vif, cette œuvre présente deux amants enlacés, flottant comme dans un songe. Une chèvre de passage observe la scène en souriant, tandis que le soleil se lève sur un petit village.

Marc Chagall (1887-1985). La nuit verte. Gouache, 1948 © Musées de Belfort

Dans cette gouache peinte en 1948, le couple symbolise le souhait de Chagall de pouvoir retrouver Bella, sa femme disparue quatre ans auparavant. L’homme, esquissant un sourire, semble emporter l’être aimé dans une étreinte salvatrice. La femme, cependant, détourne le regard car elle se sait perdue.

La chèvre, animal favori de Chagall et compagnon des saltimbanques lors des fêtes juives en Russie, rappelle les origines du peintre. Sentiment amoureux, liberté, et décor de paysannerie de l’enfance : La Nuit Verte est à la fois une œuvre autobiographique et un condensé de l’univers pictural de Chagall. 

En 1997, Maurice Jardot lègue, à la ville de Belfort, l’ensemble des peintures qu’il a rassemblées pendant 40 ans, en assistant le collectionneur et marchand d’art allemand Daniel-Henri Kahnweiler. En 1999, le Musée d’Art Moderne de Belfort ouvre ses portes. À travers 112 toiles, le public peut alors découvrir les maîtres cubistes et surréalistes : Georges Braque, Marc Chagall, Juan Gris, Otto Guttfreund, Eugène de Kermadec, Élie Lascaux, Henri Laurens, Fernand Léger, Le Corbusier, André Masson, Pablo Picasso.

Musée d’Art Moderne de Belfort © Corinne VASSELET /BFC Tourisme

Le Musée d’Art Moderne – Donation Maurice Jardot est installé dans l’ancienne maison de la famille du poète belfortain Léon Deubel, dont la ville de Belfort est la propriétaire depuis 1929.

Pour tout savoir sur le Musée d'Art Moderne – Donation Maurice Jardot de Belfort

Le chêne de Flagey de Gustave Courbet, au Musée Courbet à Ornans

Par sa composition, son message et son histoire, Le chêne de Flagey est une œuvre passionnante et unique. Geste inédit au XIXe siècle, elle a pour personnage principal un chêne, peint par Gustave Courbet en 1864, sur sa terre natale en Franche-Comté.

Le chêne de Flagey de Gustave Courbet, au Musée Courbet à Ornans © Michimasa Murauchi, Japan

Le feuillage du chêne occupe les deux-tiers de la toile et s’étend au-delà du cadre. On entrevoit d’autres arbres cachés au second plan, tandis que l’on devine, sous la ligne d’horizon, le petit village de Bolandoz (Doubs).

De part et d’autre du tronc : un chien et un lapin, à peine visibles. On manque presque d’assister à cette scène de chasse entre les deux animaux. Récemment, une étude scientifique a permis de découvrir la présence d’un chasseur, recouvert par la suite par le peintre.

Quand la commune d’Ornans apprend que Le chêne de Flagey est en vente, une gigantesque souscription est mise en place. Depuis plus d’un siècle, la peinture avait quitté le sol français pour les États-Unis puis le Japon. En 2011, grâce au partenariat entre état et mécénat et à la générosité de 1500 donateurs, Le chêne de Flagey retourne sur sa terre originelle. Le véritable chêne, quant à lui, a disparu foudroyé dans les années 1920, ne laissant à sa place aujourd’hui qu’un bosquet d’arbres bien moins imposants.

Longtemps considéré comme le « plus petit musée du monde » avec ses cinq toiles de maître, le musée Gustave Courbet fait aujourd’hui partie d’un ensemble muséal plus complet comprenant également le dernier atelier du peintre et la ferme familiale.

Musée Gustave Courbet à Ornans ©  Laurent CHEVIET / BFC Tourisme

De nouvelles souscriptions ont permis d’acquérir davantage de toiles, dont le portrait de Juliette, âgée de huit ans, faisant du Musée Courbet une étape indispensable à un séjour culturel en Bourgogne-Franche-Comté.

Pour en savoir plus sur le Musée Courbet à Ornans.

La Vierge, l'Enfant, sainte Agnès et saint Jean-Baptiste de Titien, au Musée des Beaux-Arts de Dijon

Ce chef-d’œuvre réalisé en 1535 par Tiziano Vecelli, dit Le Titien, présente quatre personnages bibliques sur un paysage en arrière-plan. Les visages sont alignés sur une diagonale partant de Saint Baptiste pour parvenir au visage de l’Enfant Jésus.

La Vierge, l'Enfant, sainte Agnès et saint Jean-Baptiste de Titien, au Musée des Beaux-Arts de Dijon © MBA de Dijon

Sainte Agnès, au centre, est le point de symétrie entre la Vierge portant l’Enfant et saint Jean-Baptiste, présentant l’Agneau de Dieu. Elle porte dans sa main gauche la palme symbole du martyr, tandis que sa main droite caresse l’agneau. Ce dernier représente à la fois le martyr et la salvation. Presque caché, l’agneau est l’élément clé reliant les quatre figures bibliques de la composition.
L’Enfant porte dans sa main droite une pomme, symbole du péché originel. Son regard détourné et son attitude détachée s’opposent au mouvement dynamique de Saint-Jean Baptiste le désignant comme « l’Agneau qui enlève le péché du monde ».
La Vierge, au visage pensif, présente le pied de l’Enfant, geste symbolisant le dogme de l’incarnation : « Dieu fait homme sur terre ». Elle est assise sur les ruines d’un temple de style gréco-romain, annonçant la chute des temps païens anciens à l’arrivée du Sauveur du monde.
Le paysage en arrière-plan de la scène, prolonge le mouvement du drapé de sainte Agnès. La couleur jaune ocre juxtaposée au visage de sainte Agnès est un geste moderne de la part du Titien, l’académisme de l’époque encourageant un fonds sombre pour la mise en valeur des visages.

Le tableau, dont les contours s’estompent au profit de la couleur fait polémique à sa création : le trait, qui représente la raison, ne devrait pas céder sa place au monde sensible de la couleur. Ce débat esthétique inhérent à la peinture prend plus d’ampleur dans le fort contexte religieux de l’époque.

En 1671, l’œuvre revient à la collection de Louis XIV, et Philippe de Champaigne, de l’Académie Royale de peinture, loue dans le tableau « l’éclat des carnations », le paysage « extraordinairement beau » et la « surprenante qualité du charmant pinceau de Titien ».

Au cours du XIXe siècle, une trentaine de copies est commandée afin de décorer les édifices religieux de France. Un voile pudique est alors ajouté sur la nudité du Christ. Conservé au Louvre depuis le XVIIIe siècle, le tableau est déposé en 1946 au Musée des Beaux-Arts de Dijon.

Musée des Beaux-Arts de Dijon © Alain DOIRE / BFC Tourisme

Le musée des Beaux-Arts de Dijon est un des plus anciens de France. Installé dans le palais des Ducs de Bourgogne, devenu palais d’État de Bourgogne au XVIIe siècle, il bénéficie à partir de 2006 de travaux de rénovation d’agrandissement, faisant de lui l’un des plus importants musées de France.
Ses collections rassemblent près de 130 000 œuvres, de l'Antiquité à l'art contemporain, représentant toutes les formes d’art de la peinture à la sculpture, en passant par le dessin et les arts décoratifs.

Pour découvrir les collections du musée des Beaux-Arts de Dijon

Vassily Kandinsky au musée Zervos de Vézelay

Couverture de la monographie Kandinsky de Will Grohmann, Éditions Cahiers d’Art, 1930. Acquisition 2022, Musée Zervos – Vézelay.

Christian Zervos, critique d’art, éditeur et fondateur de la revue Cahiers d’art en 1926, fait la connaissance de Kandinsky en 1927. Il lui sert alors d’interprète lors de sa rencontre avec Paul Klee en Allemagne. À cette occasion, Christian Zervos propose à Kandinsky l’édition d’une monographie, à la suite de celle de Paul Klee, mais l’artiste semble d’abord peu intéressé.

L’artiste accepte finalement en 1930 et la monographie de Kandinsky est écrite par Will Grohmann. Le tirage total, incluant un tirage de luxe et contenant différents dessins et gravures, est de 610 exemplaires pour 58 pages. Chaque exemplaire est agrémenté d’un bois gravé en couleurs. L’œuvre, dans un format en hauteur assez étroit, présente des motifs géométriques en quatre tons rouge-jaune-noir-blanc.

Vassily KANDINSKY, Gravure sur bois pour Kandinsky de Will Grohmann, Éditions Cahiers d’Art, 1930. Acquisition 2022, Musée Zervos – Vézelay.

La réalisation épurée contraste avec certaines peintures de la même période et semble représenter la quintessence des recherches de Kandinsky sur le langage des formes et des couleurs. On retrouve dans une partie de cette gravure, un travail sur le triangle, symbolisant l’élévation progressive de la spiritualité, de la foule (la base) à l’élite spirituelle (le sommet).

La symbolique des couleurs et notamment leur effet sur nos émotions renvoie à son ouvrage Du Spirituel dans l’Art et Dans la Peinture en Particulier écrit en 1910 : « Une œuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme, puisque l’art est le langage de l’âme et que c’est le seul. »

En 2022, le musée Zervos s’est enrichi de l’un des tirages exceptionnels de cette monographie, désormais très recherchés.

Après avoir enseigné au Bauhaus de 1922 à 1933, Kandinsky fuit le nazisme en s’installant en France. L’Art Déco et le cubisme étant alors à l’honneur, il n’est pas encore connu comme le maître de l’art abstrait.

Le couple Zervos fait beaucoup pour la reconnaissance du peintre en France. Dès 1934, Yvonne Zervos développe la Galerie des Cahiers d’art au rez-de-chaussée de la maison d’édition à Paris et consacre une exposition à Kandinsky. En remerciements, l’artiste lui offre Formes noires sur blanc.

Vassily KANDINSKY, Formes noires sur blanc, 1934, Huile sur toile, 70,2 × 70,4 cm. Legs Zervos, Musée Zervos – Vézelay

Cette huile sur toile monochrome, peinte en 1934 présente des formes biomorphiques stimulant l’imagination : visages d’humains ou d’animaux, simples cercles ou organismes microscopiques complexes. Le tableau est acquis par le musée Zervos en 1970.

L’année de son décès, Christian Zervos lègue à la commune de Vézelay un ensemble de tableaux, dessins et sculptures. Le musée ouvre ses portes en 2006, dans la maison restaurée de Romain Rolland, rassemblant également quelques œuvres de l’écrivain.

OK Musée Zervos de Vézelay © Histoires de patrimoine / BFC Tourisme

Aujourd’hui, le musée Zervos constitue une collection d’art moderne remarquable en Bourgogne, au sein de laquelle le visiteur retrouve Picasso, Dufy, Chagall, Laurens, Calder, Miró, Hélion, Kandinsky, Giacometti, Brauner, Poliakoff... au rythme d’expositions temporaires et d’accrochages renouvelés annuellement.

Pour en savoir plus sur le Musée Zervos de Vézelay.

La visite à la ferme, de Watteau de Lille, au Musée des Beaux-Arts de Sens

Cette huile sur toile de très grande taille (2,47 m par 3,27 m) est peinte par Louis-Joseph Watteau, dit de Lille, en 1782. Le tableau présente, dans une scène de campagne détaillée, l’opposition entre la noblesse et la classe paysanne, telle qu’elle existait avant la Révolution.

La visite à la ferme, de Watteau de Lille, au Musée des Beaux-Arts de Sens © Musée des Beaux-Arts de Sens

Un groupe de femmes et d’hommes richement vêtus rend visite à une famille de fermiers. Aux second et troisième plans, le conducteur du carrosse, encore en poste, et un berger appuyé sur sa canne, assistent à la scène. Une femme, personnage central du tableau, tend la main vers l’enfant que lui présente une paysanne. Celui-ci esquisse un geste d’hésitation, laissant planer le doute sur les raisons de cette visite.

La verticalité du groupe de nobles s’oppose aux paysans, courbés ou assis en signe de déférence. Tout à droite, des poules rejoignent leur poulailler au pied duquel gît une nature morte de légumes et d’ustensiles de ferme.

Les nombreux animaux : chevaux, chiens, moutons et poules, rythment la scène tandis que la nature en définit les différents plans : feuillages encadrant partiellement la peinture, végétation envahissante autour du corps de ferme et paysage de campagne se perdant en arrière-plan. 

Des doutes subsistent quant au titre exact de cette peinture qui pourrait être aussi Les Manants reconnaissants. Il faut rapprocher La visite à la ferme de quatre autres tableaux de Watteau présentant des scènes paysannes : La marchande de colombes, Les fiançailles, Les musiciens ambulants, La parade du charlatan.

La visite à la ferme a été acquis en 2002 puis restauré en 2003 par le musée de Sens et fait partie de la collection Lucien et Fernande Marey. Il est l’un des rares tableaux, surtout de cette dimension à être exposé en dehors de Lille et Valenciennes, terres du peintre Louis-Joseph Watteau. 

Ancien Palais des archevêques de Sens © Pline

Après de nombreux épisodes historiques débutés en 1791, le musée de Sens s’installe en 1985 dans le palais des archevêques et le palais synodal. On peut d’ailleurs parler de musées au pluriel, puisque l'on y trouve une réunion de collections de toutes les époques (périodes préhistorique et gallo-romaine comprises), permettant de présenter aux touristes de cette petite ville de 27 000 habitants, une variété et une richesse patrimoniales inattendues.

Découvrir le musée des Beaux-Arts de Sens 

La sortie du port de Trouville de Pierre Bonnard, au Musée de l’Abbaye à Saint-Claude

Un premier regard porté sur La sortie du port de Trouville de Pierre Bonnard, évoque rapidement les peintres impressionnistes.

La sortie du port de Trouville, par Pierre Bonnard, 1936 Gouache préparatoire du tableau - 25 x 31,8 cm 2002.1.32 – Donation Guy Bardone, 2002 crédit photographique : Patrice Schmidt

Le subtil travail en touches de couleurs oppose deux camaïeux violet-mauve et jaune-ocre. Les tons froids, présentant la majeure partie de la composition, sont utilisés pour la chaussée, le ciel, et le fleuve séparant Deauville et Trouville : La Touques. Les tons chauds sont réservés au bord du quai, côté Deauville, sur lequel se détachent quelques potelets et chaînes.

Une bande de nuages sombre flotte au-dessus de la mer, fondue avec le ciel, tandis que d’autres détails aux contours à peine prononcés apparaissent : une voile, un ou deux bateaux de pêche, quelques habitations.

Cette œuvre de Pierre Bonnard aux petites dimensions (25 x 31,8 cm) est une gouache préparatoire de 1936 pour un tableau aux couleurs plus vives réalisé entre 1938 et 1945. L’impression d’achèvement et le contraste avec le tableau définitif sont tels, que cette peinture apparaît comme un chef-d’œuvre à part entière.

Le sentiment qui se dégage de ce tableau, la technique et le choix des couleurs, justifient l’appellation de peintre postimpressionniste, parfois donnée à Pierre Bonnard. Il était pourtant réticent à l’idée d’école, adhérant dès ses débuts au mouvement des Nabis (« prophètes » en hébreu), qui s’opposent à l’impressionnisme, recherchant une nouvelle spiritualité teintée de symbolisme.

Le Musée de l’Abbaye à Sainte-Claude est construit sur les anciens vestiges d’un logis abbatial bénédictin du XIe siècle. Il permet de découvrir en sous-sol deux chapelles funéraires aménagées en espace archéologique. L’une d’elles représente une belle peinture murale de Christ en Majesté, découverte seulement en 1990.

Musée de l’Abbaye à Sainte-Claude ©  Corinne VASSELET / BFC Tourisme

Le musée rassemble les donations de deux peintres Guy Bardone et René Genis. Il présente une collection allant de la fin du XIXe siècle à 1980, complétée par des expositions temporaires d’œuvres contemporaines. Deux cabinets d’arts graphiques proposent de consulter davantage de pièces issues des collections nous convainquant définitivement de visiter le Musée de l’Abbaye – donations Guy Bardone – René Genis.

Pour en savoir plus sur Musée de l’Abbaye – donations Guy Bardone – René Genis à Saint Claude.