La Foire de la Madeleine à Beaucaire : rendez-vous estival incontournable
Chaque année, lors de la Sainte Marie-Madeleine, à Beaucaire, dans le Gard, se déroule un événement attendu de tous. Il s’agit de la Foire de la Madeleine, qui existe depuis le XIIIe siècle !
Une histoire de croisades
Selon la tradition, la première foire de Beaucaire est fondée par Raymond VII, comte de Toulouse, en avril 1217, après la résistance de la ville au siège de Beaucaire, mené par Simon de Monfort.
La Croisade des Albigeois est finalement remportée par le roi Louis VIII, dit le Lion, en 1226, Beaucaire et Avignon deviennent des sénéchaussées et rejoignent le domaine royal. Pour s'assurer de leur fidélité, il donne aux habitants de Beaucaire des privilèges qui se traduisent par la mise en place de trois jours francs : jours durant lesquels les actes commerciaux sont exonérés de taxes et d'impôts. Ces trois jours sont fixés au mois de juillet et favorisent le commerce.
L’acte de la création de la Foire de Beaucaire, dite Foire de la Madeleine, date de 1464. Cette foire commence toujours le lendemain du 21 juillet, jour de la Sainte Marie-Madeleine, patronne de la ville. La foire dure entre 5 et 10 jours : si le 21 juillet tombe un vendredi, il faut qu’à partir du 21 juillet, il y ait un jeudi et un lundi. Si le 21 tombe un mercredi, le jeudi est englobé et la foire s’achèvera le lundi soir suivant.
Les documents, conservés par l’Hôtel de Ville de Beaucaire, indiquent que le négoce se passe avant la foire. Vendeurs et acheteurs se retrouvent pendant la foire et signent les actes de vente pendant les jours francs, ce qui permet de bénéficier des privilèges.
Les Beaucairois ont vite compris l’intérêt de leur foire. Ils s’y préparent donc en conséquence : chacun, qu’il soit riche ou non, aménage sa maison et loge des visiteurs et des marchands dans une ou plusieurs pièces de son logis. Les lits se louent à prix d’or ! Même les plus riches embrassent ce principe et n'hésitent pas à dormir, le temps dans la foire, à l’étage des serviteurs, aux côtés de leurs domestiques.
Les Beaucairois exploitent chaque recoin de leurs demeures et louent même leurs pas de portes ou des marches d’escalier ! Et il n’y a pas que les biens matériels qui revêtent une valeur marchande : les personnes, et donc leurs services, sont aussi à louer. Porteurs de bois, cuisiniers, vendeurs… Chacun propose ses compétences.
Vue de la Foire de Beaucaire dédiée à Monsieur de Guignard, vicomte de Saint-Priest,... Intendant de la Province de Languedoc / gravé par Litret ; D'après le dessein original levé sur les lieux par feu Mr. Cleric 1775 © Gallica - Bibliothèque nationale de France
Une renommée internationale
On dit qu’à Beaucaire, l’or se transforme en marchandise, et que la marchandise se transforme en or. Ce qui lance véritablement la foire, c’est la guerre de Cent Ans. Après cette période de troubles pendant laquelle l’économie est mise à mal, le roi a tout intérêt à conserver les privilèges des Beaucairois pour relancer l’économie.
La foire prend peu à peu de l’ampleur, à tel point qu’elle conquiert le monde entier. D’abord régionale, cette foire devient ensuite nationale et internationale : elle fait d’abord de l’ombre à la foire de Pézenas, puis à celle de Lyon et enfin à celle de Leipzig, en Allemagne.
Son apogée est atteint au XVIIIe siècle, avec un chiffre d’affaires impressionnant : en 12 jours, il est aussi élevé que celui du Port de Marseille en une année !
Foire de Beaucaire © Musée du Vieux Nîmes
Ce rayonnement s’explique par la position géographique avantageuse de Beaucaire : sa localisation sur les rives du Rhône permet à tout un chacun de s’y arrêter. Au XVIIIe siècle, on compte entre 60 000 et 100 000 visiteurs par jour, venus des confins du monde, comme de Chine et de Turquie.
Cet aspect cosmopolite et international induit, au-delà des richesses, des apports architecturaux orientaux, comme le souligne encore la Tour Chinoise de l’hôtel de Clausonnette.
Stendhal ou encore Diderot, lorsqu’ils se rendent à la Foire de la Madeleine, écrivent qu’on y entend plusieurs langues, on goûte plusieurs mets, et que chacun apporte sa culture. Ce sont en quelque sorte les prémices d’un marché européen et mondial.
Gravure André Basset, Foire de Beaucaire, XVIIIe siècle © Musée Auguste Jacquet, Beaucaire
Au XIXe siècle, la Foire de la Madeleine décline, concurrencée par le développement des transports de marchandises par le chemin de fer.
Aujourd'hui, la ville conserve le souvenir de cet événement et organise 5 jours de fêtes traditionnelles à partir du 21 juillet. L'occasion d'admirer les défilés en costumes locaux, de découvrir les spectacles taurins et de faire la fête dans les bodegas !
Impact de la foire sur l’architecture de Beaucaire
Louis XIV vient à Beaucaire, et marque plus durablement la ville. Comprenant son importance économique et politique, il ordonne la construction d’un Hôtel de Ville, qu’il marque de son image : il fait sculpter, en façade, un mascaron représentant un soleil avec un visage humain.
Construit par l’architecte nîmois Jacques Cubizol, entre 1679 et 1683, ce bâtiment accueille notamment le bureau de la foire. Il a pour mission d’enregistrer toutes les personnes qui se rendent à la foire et qui en partent, ainsi que les marchandises. Les registres sont conservés aujourd’hui, ce qui permet une grande connaissance de la foire. Les étalons de mesures, insérés en façade, sont toujours visibles.
Photographie de l’Hôtel de Ville © Ilona Bernard / J’aime mon Patrimoine
Le Roi Soleil est toutefois déçu de l’accès à la ville : il manque un pont permettant de relier Tarascon à Beaucaire. Un pont éphémère est alors déployé. Constitué de péniches à fond plat, surmontées de planches, il relie Beaucaire à une île du Rhône, l’île de la Barthelas, puis cette île à Tarascon.
Ce pont revêt, de fait, une forme étrange en Z. Peu solide, il faut une certaine habileté pour le traverser et pour ne pas tomber dans le Rhône ! Particulièrement emprunté pendant la foire, il donne naissance à l'expression « La foire n'est pas encore sur le pont », ce qui signifie qu'il est inutile de se presser pour aller sur place, puisque les accès ne sont pas encore encombrés.
Le fleuve fait aussi régner sa loi : lors d’une crue, les barques du pont se détachent et dérivent jusqu’en Arles !
Ce n’est qu’en 1829 qu’un pont en pierre, dit pont Seguin, est construit.
Lithographie Vue de la Foire de Beaucaire et du Pont Suspendu, de Jusky, 1830
L’architecture générale de la ville est le reflet de la Foire et des habitudes qu’elle induit. En effet, on retrouve nombre de maisons avec un rez-de-chaussée adapté à la vente, mais aussi nombre d’hôtels de rapports, à ne pas confondre avec les hôtels particuliers.
Hôtel de Fermineau © Ilona Bernard / J'aime mon Patrimoine
En effet, les hôtels ou immeubles de rapport n’ont pas vocation à être occupés par une seule et même famille, comme les hôtels particuliers. Les hôtels de rapport sont un investissement de la part de leur propriétaire puisque tous les logements qu’il contient sont exclusivement destinés à la location. Leurs façades n’ont parfois rien à envier à celles des hôtels particuliers.
Il faut garder en tête qu’à l’époque, l’entrée de Beaucaire se fait par la porte Beauregard, très proche du Rhône. Les maisons les plus proches de cette porte sont souvent les plus riches et les plus impressionnantes. Les visiteurs de la foire s’y arrêtaient en premier, pour le plus grand plaisir et la plus grande richesse de leurs propriétaires.
La Maison Gothique et ses magnifiques fenêtres à meneaux témoignent de ce passé vertueux. Autrefois plus grande maison de Beaucaire avec ses 1 000 m2, la Maison Gothique s’étend, de nos jours, sur 400 m2. Située place de la République, elle accueille désormais la Maison du Tourisme et du Patrimoine.
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