Pass Patrimoine 600 monuments 2022 page
12/04/2022
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L’Aube terre de vitrail : des maîtres verriers du Moyen Âge à Fabienne Verdier

Depuis le XVIe siècle, les églises de l’Aube voient leurs baies se parer de vitraux aux couleurs flamboyantes du jaune d’argent.
C’est cette tradition bien ancrée qui a inspiré Fabienne Verdier pour transcrire son art dans les vitraux de l’église de Nogent-sur-Seine. L’exposition Fabienne Verdier : Alchimie d’un vitrail, qui se tient au Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, raconte ce processus créatif, réalisé aux côtés de Flavie Serrière Vincent-Petit, maître-verrier à Troyes.

Entrée de l'exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail © Histoires de patrimoine

L’Aube terre verrière depuis le Moyen Âge :

Le département de l’Aube est reconnu comme capitale européenne du vitrail, il compte, à lui seul, 40 % des vitraux de France, soit plus de 9 000 m² de vitraux créés du Moyen Âge à nos jours, réparties dans plus de 350 églises et bâtiments publics. 65 d’entre eux sont aujourd’hui réunis au sein de la Route du Vitrail.

Si certaines églises conservent des vitraux des XIIIe et XIVe siècle, c’est au XVIe siècle qu’apparaît l’apogée de cette production : le département compte 1042 baies classées monuments historiques pour cette seule période.

 Présentation vidéo de la Route du vitrail de l'Aube

Exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail : présentation des églises et vitraux admirés par Fabienne Verdier dans l'Aube © Histoires de patrimoine

Cette apothéose coïncide avec la diffusion du jaune d’argent. Cette technique, qui n’est pas une peinture mais une teinture, aurait été découverte, selon la légende, par un jeune garçon-verrier ayant fait tomber un bouton en argent sur un panneau de verre au moment de le mettre en cuisson. À la fin de la cuisson, il aurait découvert, sous son bouton, une tâche d’un jaune éclatant… le jaune d’argent est né !

Cette coloration si particulière s’obtient, à la cuisson, par la fusion des particules d’argent et du verre, qui est ainsi teinté dans la masse. Le jaune d’argent, utilisé pour rehausser des détails décoratifs, est traditionnellement conjugué à la grisaille utilisée pour les traits.

C’est cette technique qui a particulièrement frappé Fabienne Verdier lors de son voyage d’étude dans les édifices de l’Aube, après avoir reçu une commande pour créer de nouvelles baies pour le chœur de l’église de Nogent-sur-Seine.

 

L’église Saint-Laurent de Nogent-sur Seine : 600 ans d’histoire

C’est au cœur de la guerre de Cent Ans que débute, en 1421, la construction de l’église Saint-Laurent à Nogent-sur-Seine. Le chantier, entrepris à l’emplacement d’un ancien édifice gothique, se déroule sur 200 ans, offrant à l’édifice une variété de styles : gothique flamboyant et Renaissance pour les chapelles du chœur et le portail du bras droit du transept, notamment.

Au cours de la Révolution française, l’église reçoit les cendres du célèbre couple Héloïse et Abélard, jusque-là, conservées à l’abbaye du Paraclet. Elles sont ensuite transférées au musée des Monuments français, en 1800, puis au cimetière du Père Lachaise, où elles reposent encore aujourd’hui.

Eglise Saint-Laurent de Nogent-sur-Seine © Studio OG pour CD10

Intérieur de l'église Saint-Laurent de Nogent-sur-Seine après restaurations © Histoires de patrimoine

À la charnière des XIXe et XXe siècles, l’église inspire quelques sculpteurs illustres de la ville, c’est ainsi qu’elle abrite encore des œuvres de Joseph Marius Ramus, Alfred Boucher et Paul Dubois.

Au cours des siècles, l’édifice perd ses vitraux historiques qui sont en partie remplacés au milieu du XXe siècle par des vitraux contemporains, jugés très sombres par les officiants.

En prévision des 600 ans de l’église, la Ville entreprend, dès la fin des années 2000, un vaste chantier de restauration qui a permis, entre autres, de révéler des peintures murales des XVIe et XVIIe siècles.

C’est dans ce cadre qu’ont été commandés les vitraux du chœur à Fabienne Verdier, installés en 2018.

Les travaux de restauration de l’église se sont achevés en mars 2022, avec une riche saison culturelle programmée pour célébrer ce renouveau. Débute, notamment, en avril, au musée Camille Claudel, l’exposition Alchimie d’un vitrail, dédiée au travail de création des vitraux de Fabienne Verdier avec Flavie Serrière Vincent-Petit, maître verrier.

 Les vitraux du chœur de l’église de Nogent-sur-Seine par Fabienne Verdier et Flavie Serrière Vincent-Petit © Christophe Deschanel

Fabienne Verdier une œuvre monumentale

Portrait de Fabienne Verdier © Benjamin McMahon

Fabienne Verdier est artiste peintre. Après ses études aux Beaux-Arts, elle part 10 ans en Chine, pour se former, auprès des derniers grands maîtres, à la calligraphie, la peinture, l’esthétique, mais également la philosophie chinoise.

À son retour en France, elle adapte ces enseignements en version monumentale. Avec un immense pinceau, fixé au plafond de son atelier, elle trace ses œuvres à l’encre et acrylique, sur des toiles colorées fixées au sol.

Pour nourrir son travail, elle se confronte à l’expressionnisme abstrait américain, aux tableaux des primitifs flamands ou en encore aux étudiants de la Juilliard School of New-York.

Pour la 50e édition du Petit Robert, Fabienne Verdier entreprend également une collaboration avec Alain Rey afin de célébrer l’énergie créatrice du langage !

C’est forte de ces inspirations, qu’elle reçoit la commande des vitraux du chœur de l’église Saint-Laurent de Nogent. Débute alors un nouveau travail, à la découverte d’un nouveau support aux particularités parfois déroutantes, aux côtés de Flavie Serrière Vincent-Petit.

Perpetuum Mobile - Exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail © Histoires de patrimoine

Les vitraux de Fabienne Verdier et Flavie Serrière Vincent-Petit : une innovation technique unique

Les méandres de la Seine qui ont inspiré l'artiste - Exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail © Histoires de patrimoine

Pour créer ces vitraux, Fabienne Verdier a souhaité s’imprégner du travail des maîtres-verriers du XVIe siècle. Elle visite ainsi 20 églises dans tout le département de l’Aube et s’inspire des méandres de la Seine pour le motif.

Elle souhaite reproduire la vibration colorée et la lumière de ces œuvres anciennes. Mais, pour cette création contemporaine, elle décide de se libérer du trait de grisaille et inverse l’utilisation de la grisaille et du jaune d’argent.

Cette inversion est un défi technique qui n’a jamais été réalisé auparavant.

 

Fabienne Verdier travaillant pour les vitraux de l'église Saint-Laurent de Nogent-sur-Seine © Christophe Deschanel 

Maître-verrier créatrice, pour de nombreux édifices privés ou public, Flavie Serrière Vincent-Petit est également conservatrice-restauratrice. Elle a travaillé sur de nombreux chantiers en Champagne et à Paris, où elle œuvre actuellement sur le chantier de Notre-Dame.

Flavie Serrière Vincent-Petit accompagne Fabienne Verdier dans tout son processus créatif. Elle a mené des recherches dans de nombreux ouvrages, jusqu’aux plus anciens du XVIIIe siècle, pour trouver des éléments de recettes afin de mener à bien le projet. Après de nombreux essais, elle a pu obtenir un mélange permettant à Fabienne Verdier de peindre, selon sa technique monumentale, avec le jaune d’argent.

Flavie Serrière Vincent-Petit, a quant à elle, blaireauté, selon le terme consacré, l’arrière de l’œuvre à la grisaille, afin de lui donner son opalescence.

Flavie Serrière Vincent-Petit devant les deuxièmes verrières, non installées, pour l'église de Nogent-sur-Seine © Histoires de patrimoine

Les deux femmes ont ainsi travaillé main dans la main, pour aboutir, après une longue genèse, à la création, non pas d’une mais de deux œuvres exceptionnelles tant par leur format que par leur innovation technique. Les baies qui n’ont pas rejoint le chœur de l’église sont aujourd’hui visibles dans l’exposition dédiée à cette création.

Naissance d’une collaboration au long cours

Après livraison de la commande, les deux femmes ont prolongé leur partenariat pour créer trois ensembles d’œuvres supplémentaires.

Topographies imaginaires tout d’abord, créée en 2018. Composée de neuf dytiques et un panneau isolé, l’œuvre est présentée dans une salle panoramique au sommet du musée Camille Claudel. Elle anime la vue sur les toits nogentais, qui se déploient en fond, et change au gré des heures, des nuages et des lumières, offrant au visiteur un paysage constamment renouvelé.

Fabienne Verdier et Flavie Serrière Vincent-Petit - Topographies imaginaires © ADAGP - Christophe Deschanel

En 2021, le duo créatif a reçu une nouvelle commande du Département de l’Aube : créer un oculus pour la chapelle de l’Hôtel-Dieu, future Cité du Vitrail qui ouvrira ses portes à Troyes à l’automne 2022.

Deux verrières supplémentaires, créées dans ce cadre sont à admirer dans l’exposition Alchimie du Vitrail.

Travail pour l'oculus de la chapelle de l’Hôtel-Dieu, future Cité du Vitrail - Exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail © Histoires de patrimoine

Particulièrement inspirée par La Valse de Camille Claudel, Fabienne Verdier a offert au musée Camille Claudel un vitrail qui s’étend sur deux fenêtres superposées, dans un escalier tout près de la salle dédiée à cette œuvre de la sculptrice. L’œuvre intitulée Forces Tourbillonnaires s’inscrit dans la série Vortex de Fabienne Verdier.

 Exposition Fabienne Verdier Alchimie d'un vitrail © Histoires de patrimoine

Alchimie du Vitrail : une exposition au Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine

Pour découvrir l’ensemble de ces œuvres et comprendre leur genèse artistique et technique, rendez-vous jusqu’au 26 septembre 2022 au Musée Camille Claudel, à Nogent-sur-Seine, à 1 h de Paris en train.

Pour en savoir plus sur l'exposition Fabienne Verdier : Alchimie d'un vitrail

Musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine © Histoires de patrimoine

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