Qu’est-ce qu’un château ? Histoire d’une bâtisse au cœur du patrimoine français
Forteresses du Moyen Âge, châteaux Renaissance au cœur du Val de Loire, citadelles du Pays cathare ou demeures du XVIIIe siècle au cœur des vignes bordelaises, le patrimoine français est riche de plus de 45 000 châteaux recensés. Ces trésors de nos territoires témoignent toujours des siècles passés.
Mais, qu’est-ce qu’un château ? D’où nous viennent ces édifices uniques qui font la particularité de nos régions ? Du château fort à la résidence royale, entrez dans le mystère du château français !
Du castrum au château fort du Moyen Âge
La motte castrale : un outil de protection des Francs face aux invasions
Le mot château vient du latin castellum, qui signifie « forteresse ». Lui-même est le diminutif de castrum qui veut dire « camp ». Vous l’aurez compris, l’apparition du château correspond avant tout à des fonctions militaires. Il s’agissait de protéger un territoire contre toute forme de menaces extérieures.
La Tapisserie de Bayeux, sur laquelle sont représentés les Normands, édifiant une motte castrale
Dès la fin du IXe siècle, les Carolingiens, lourdement armés, cherchent à établir des lieux de défense stratégiques pour faire face aux invasions des Vikings et des Sarrasins. Se développe alors un système de « mottes castrales ». L’idée est simple : il s’agit de construire en hauteur, sur des petites collines ou des mottes de terre, une tour de guet. Cette dernière est entourée d’une palissade, laquelle est elle-même ceinte d’un fossé. Les mottes féodales ont l’avantage d’être peu coûteuses et rapides à construire, ce qui va provoquer leur succès.
La célèbre Tapisserie de Bayeux, qui date du XIe siècle, représente les Normands construisant une motte castrale lors de leur débarquement en Angleterre.
Sacré Charlemagne
Progressivement, l’organisation féodale va se faire autour de ces constructions protectrices. La guerre coûte cher à l’Empire carolingien. C’est pourquoi, Charlemagne décide d’inciter une partie des hommes à ne pas prendre les armes pour rester cultiver les terres agricoles. Apparaissent alors deux groupes sociaux :
- Les milites qui partent guerroyer
- Les laboratores qui s’occupent de l’administration des travaux agricoles
Peu à peu, les laboratores se placent sous la protection des milites, devenus les premiers châtelains qui organisent la défense des terres depuis leur « castel ». Les habitations viennent se regrouper autour de la motte castrale.
Le château-fort : produit de la féodalisation de la société franque
En 864 sous la menace des Vikings, Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, ordonne la multiplication de ces fortifications via l’édit de Pîtres. Cette décision a pour conséquence une indépendance de plus en plus grande des châtelains vis-à-vis du « pouvoir central ».
Ces nouveaux seigneurs commencent à exercer leur autorité sur les terres dont ils sont responsables : ils rendent la justice et perçoivent des taxes. C’est ce qu’on appelle le ban seigneurial.
Cette « féodalisation », c’est-à-dire la montée en puissance des pouvoirs locaux, dans un contexte de grande insécurité, favorise le progrès technique et la construction des premières forteresses en pierre à partir du Xe siècle. C’est la naissance du château fort.
Le château de défense : un symbole de puissance
D’édifice de protection, le château médiéval se mue petit à petit en véritable symbole de pouvoir pour les seigneurs locaux.
Les avancées techniques permettent aussi de ne plus nécessairement construire les bâtisses en hauteur ou sur des promontoires difficiles d’accès.
L’impulsion de Philippe Auguste
À partir du XIIe siècle, la professionnalisation de l’architecture militaire va considérablement contribuer à donner au château fort ses lettres de noblesse. On parle d’ailleurs de « Renaissance du XIIe siècle » ou « d’architecture philippienne », tirée du nom de Philippe Auguste.
Le roi ecourage en effet ce nouveau modèle de fortifications, dans lequel le donjon n’est plus une tour quadrangulaire, mais devient circulaire. Cela permet notamment de déjouer les angles morts en cas d’attaque. Les murailles sont également plus épaisses et plus hautes. C’est aussi au XIIe siècle qu’apparaissent les meurtrières, idéales pour le tir à l’arbalète.
Château de Menthon en Haute-Savoie
Ces châteaux forts, plus résistants, se veulent aussi de plus en plus imposants, en fonction du statut social du seigneur en place. Ils deviennent un véritable instrument pour asseoir sa domination politique sur les seigneurs voisins.
Cependant, tout au long du Moyen Âge et jusqu’à la fin de la guerre de Cent Ans, les châteaux forts ont, avant tout, un rôle militaire. Ils se dotent de pont-levis en bois au XIVe siècle.
C’est avec l’avènement de temps de paix plus longs et la centralisation du pouvoir par les rois de France que ces édifices vont se transformer en véritables lieux de plaisance.
Des lieux de plaisance à la gloire de la France
Avec la Renaissance, les châteaux se doivent désormais d’être à l’image de la puissance et du raffinement de leur propriétaire. À cet égard, aucune construction ne peut rivaliser avec les Châteaux de la Loire. C’est principalement sous l’égide des Valois que ces bâtisses voient le jour. Ce ne sont plus des objectifs militaires que poursuivent les architectes mais bien la recherche du Beau. En témoigne, l’éclosion des jardins ornementaux. Les châteaux forts laissent la place aux châteaux Renaissance.
La dynastie régnante est alors fortement imprégnée par la Renaissance italienne. Elle fait venir les plus grands artistes et artisans de l’époque, tels que Léonard de Vinci qui aurait été associé aux plans de Chambord.
On pense bien sûr à Amboise, dont Charles VIII, qui y a grandi, fait un véritable palais. L’aile qui porte encore aujourd’hui son nom, reste un exemple grandiose de style gothique flamboyant.
À Chenonceau, surnommé le château des Dames, c'est le style Renaissance qui prime, avec ses lucarnes, ses tourelles et son pont à double galerie.
Au lendemain de sa victoire à Marignan en 1515, François Ier souhaite faire de Chambord, un domaine à sa gloire. Grand rival d’Henri VIII d’Angleterre et de Charles Quint, le roi François Ier n’a qu’une idée en tête : être sacré dans les esprits « prince architecte » et faire rayonner plus haut que les autres le royaume de France
Le Château de Chambord, fleuron de la Renaissance française
Avec Henri IV, le centre du pouvoir revient en Île-de-France. Mais, la fonction du château reste la même : affirmer son autorité. Nul ne le fera de façon plus flamboyante que Louis XIV à Versailles, bien sûr. Ce refuge royal, hors de Paris, procure au monarque une arme double :
- Faire rayonner le prestige de la France sur la scène internationale
- Asseoir son emprise sur la noblesse frondeuse
C’est aussi l’apogée du classicisme et des jardins à la française de Le Nôtre qui répondent à cette ambition d’une esthétique au service de la majesté.
Jardins à la française du château de Vaux-le-Vicomte ©Laurent Bernier
Le règne des châteaux privés
Quand le château se veut « maison des champs »
Le système de cour mis en place par le Roi Soleil transforme une nouvelle fois la fonction sociale des châteaux. Ils deviennent alors tour à tour refuges campagnards ou synonymes d’exil pour les courtisans ayant déplu au monarque.
La pensée naturaliste rousseauiste, en vogue au XVIIIe siècle, conduit aussi à fantasmer un retour de l’homme vers la nature et au triomphe des mœurs bourgeoises. Le château ne se veut alors plus grandiose, signe de puissance, mais retraite paisible, en témoignent les transformations du Petit Trianon effectuées par Marie-Antoinette.
Les châteaux construits au XVIIIe siècle répondent à cette tendance de « maison des champs », selon l’expression consacrée de l’époque.
À cet égard, le Château de Vendeuvre en Normandie, en est le parfait exemple.
L’épopée des châteaux bordelais
Ce retour des châteaux dans le domaine privé va évidemment s’accélérer avec la Révolution française. De nombreuses familles voient leur domaine familial spolié, tandis qu’une nouvelle aristocratie économique s’empare de ces biens de prestige.
Si la création des Monuments Historiques, au milieu du XIXe siècle, a permis la restauration et la préservation de nombreuses bâtisses, dont certaines sont désormais ouvertes au public, un étonnant renouveau des châteaux bordelais va apparaître.
Savez-vous pourquoi le vignoble bordelais brille aujourd’hui sous l’appellation de « châteaux », tandis que le Bourgogne s’épanouit sous celui de « domaine » ?
Le développement économique du XIXe siècle est passé par là. L’ouverture de la ligne de train Paris-Bordeaux en 1853 favorise l’attrait économique de la région, qui peut désormais facilement exporter son vin vers la capitale et en dehors de nos frontières. Les négociants du cru ne s’y trompent pas et investissent massivement dans la vigne locale, tout en se faisant construire sur place de superbes demeures, images du prestige de leur production.
Le château Pichon Longueville (appellation Pauillac), construit en 1850
En 1857 est promulguée une loi visant à la protection des marques. Elle stipule entre autres le besoin d’accoler à certaines d’entre elles un véritable caractère distinctif comme « abbaye », « clos » mais aussi « château ». Peu de temps après, les vignobles de la région bordelaise commencent aussi à développer la mise en bouteille à la propriété comme Mouton-Rothschild en 1924. C’est un véritable triomphe à l’international pour les vins qui portent la mention de « château ».
A contrario, en Bourgogne, les vignes sont disséminées sur de nombreuses parcelles, appelées Climats, cerclant le domaine et les villages alentours. Cette spécificité liée au terroir bourguignon explique cette différence notable.
De la construction défensive aux demeures prestigieuses, vous connaissez maintenant tout (ou presque) de ces édifices d’exception. Alors, prêts pour la vie de château ?