À la poursuite de Cartouche, le premier chef du crime organisé français
300 ans après sa mort, Louis Dominique Garthausen, dit Cartouche, continue de fasciner. Des ruelles de la Courtille aux champs de bataille d’Espagne en passant par le salon sur Marquis de Saint-Acre, ce chef de bande du Paris de la Régence est l’une des premières figures entrées au « panthéon des rebelles » français. À l’occasion du tricentenaire de sa mort, partez à la poursuite de Cartouche, le premier chef du crime organisé français.
Claudia Cardinale et Jean-Paul Belmondo à l’affiche du film « Cartouche » sorti en 1962.
Naissance d’un rebelle sous l’Ancien Régime
Du jeune chapardeur…
Louis Dominique est né en 1693, rue du Pont-aux-Choux dans le IIIe arrondissement de Paris. Il passe son enfance à la Courtille (entre l’actuelle rue de Belleville et la rue du Faubourg-du-Temple), un quartier connu pour ses guinguettes et nombreux divertissements. Ici, les plaisirs sont exonérés de l’octroi, une sorte de douane qui existe alors à Paris. Ceci explique peut-être en partie le caractère frondeur du jeune Cartouche.
Son père décide très vite de l’envoyer au collège de Clermont (l’actuel Lycée Louis le Grand), chez les Jésuites, afin de dresser le petit chenapan. Vaine tentative ! Il chaparde et finit par se faire renvoyer de la prestigieuse institution. À 12 ans, il fuit le domicile parental et commence une vie de saltimbanque auprès de tziganes. À leurs côtés, il s’initie à la cartomancie et à l’art de l’escroquerie.
… Au chef d’une « armée » de bandits !
Rentré à Paris, il semble un temps revenir dans le droit chemin. Mais de menus larcins commis pour les yeux de sa maîtresse et le vol à l’encontre de son futur beau-frère mettent un terme à sa bonne conduite. Son père requiert alors une lettre de cachet à son encontre pour qu’il soit incarcéré à Saint-Lazare. De justesse, Cartouche prend de nouveau la poudre d’escampette.
En Normandie, il devient brièvement laquais du marquis de Saint Acre. Tricheur invétéré aux cartes, il se fait renvoyer et rejoint les rangs de l’armée en tant que racoleur. Sa fougue lui vaut quelques mérites sur les champs de bataille espagnols. Il en gardera un certain attrait pour les méthodes d’organisation militaire qu’il veut appliquer à son « armée » de repris de justice.
Il prend ainsi la tête d’une petite bande de malfaiteurs et étend son réseau, jusque dans les salons de la plus haute noblesse. Sous la surveillance des autorités, il est contraint de jouer les informateurs pour le lieutenant de police d’Argenson.
Cartouche : un « monument » du crime parisien
Mais c’est à Paris que Cartouche va se construire sa réputation de grand bandit. À la tête d’une véritable organisation criminelle, il attaque les carrosses, dévalise les hôtels particuliers des nantis et pille les bijouteries. À son actif, notamment, le cambriolage de la manufacture royale des Gobelins (dans le XIIIe arrondissement).
Le malfrat se crée alors une image d’homme du peuple courageux et malin, dévalisant les puissants et se jouant des forces de l’ordre. Il aurait ainsi sauvé du suicide un marchand ruiné en épongeant ses dettes auprès des créanciers, avant de détrousser ces derniers.
En 1720, la faillite du système de John Law, dont la Banque Générale se situe au numéro 65 rue Quincampoix, permet à Cartouche de dérober aux spéculateurs plus d’un million trois cent mille livres. Après ce coup d’éclat, la bande de « cartouchiens » se réfugie dans l’un de leurs repères, rue de la Huchette.
Cette même année, il est arrêté une première fois et emprisonné à For-l’Évêque (dans l’actuelle rue Saint-Germain-l'Auxerrois, dans le Ier arrondissement de Paris). Grâce à la ruse, il parvient à s’échapper au nez et à la barbe de ses gardiens. Recherché, il ose même répondre à l’appel du crieur public et se présenter à la vue de tous au Carrefour de la Croix-Rouge, sur l’actuelle place Michel Debré dans le VIe arrondissement.
« La maquerelle punie avec la vue de l'Hôtel de ville de Paris et la place de Grève », estampe, 1756 - source : Gallica-BnF
La traque se poursuit et Cartouche échappe à de nombreuses tentatives de capture à son encontre, comme lors du « siège » de l’hôtel Desmarets situé dans le IIe arrondissement.
Il est finalement arrêté le 14 octobre 1721 dans le cabaret « Pistolet » de la Basse-Courtille. Après une ultime tentative d’évasion, on l’incarcère à la prison du Châtelet. La légende raconte que le Régent en personne lui aurait rendu visite. Écroué à la Conciergerie, son épopée prend fin en place de Grève (l’actuelle place de l’Hôtel de Ville) le 28 novembre 1721.