Jurançon : le vin qui grandit face aux Pyrénées
Les premiers jours de septembre sonnent l’heure du début de l’effervescence au pied des montagnes pyrénéennes, alors qu’approchent les vendanges.
Au cœur du Béarn, entre le Gave de Pau et le Gave d’Oloron, 614 hectares à flanc de coteaux, forment l’appellation Jurançon AOC*. Plus de 65 vignerons y produisent chaque année 19 000 hectolitres de vins blancs doux, secs et de vendanges tardives.
Découvrez cette région de cocagne où l’or coule dans les bouteilles et les verres, en résonnance avec celui qui constitue le cœur et le savoir-faire de ses vigneronnes et vignerons.
Vignoble de Jurançon face au Pic du Midi d'Ossau © Pierre Carton
Jurançon : un vignoble historique
Cultivé depuis l’Antiquité, le vignoble se constitue autour de la Chapelle de Rousse au Moyen Âge. Sous le règne du célèbre Gaston Fébus, comte de Foix, apparaît l’appellation Juransoo.
Mais c’est à la naissance d’Henri de Bourbon, futur Henri IV, au château de Pau, que le vin de Jurançon connaît une destinée royale. La tradition raconte en effet que pour fortifier l’enfant, son grand-père Henri II de Navarre, lui aurait donné à boire quelques gouttes de Jurançon... et frotté ses lèvres à l’aide d’une gousse d’ail ! Cela vaut au Jurançon le surnom de "Vin des rois et roi des vins" (Bi dou Rei, Rei du Bi en béarnais)
Alors que la région est particulièrement touchée par les guerres de Religions puis par une crise économique lors de son rattachement à la France, sous le règne de Louis XIII, la culture de la vigne s’étiole.
Elle manque de disparaître complètement au début du XXe siècle, quand une poignée de passionnés décide de relancer la production du nectar local pour sauver leur vignoble. Ce travail acharné est récompensé dès 1936, lorsque les premières appellations AOC sont décernées à plusieurs vignobles français dont le Jurançon. À cette date, seul les vins blancs doux sont distingués, ils sont rejoints par les vins blancs secs en 1975 et les vins de vendanges tardives en 1994.
Un climat spécifique pour des cépages locaux sur les coteaux du Jurançon
Les coteaux de Jurançons font face aux Pyrénées, exposés plein sud, ils sont en moyenne à 300 mètres d’altitude. Ils bénéficient des pluies régulières venues de l’Océan Atlantique et d’une arrière-saison bien souvent très clémente, au cours de laquelle souffle le Foehn, appelé localement Balaguera, qui permet aux raisins de sécher sur les vignes et ainsi de se concentrer en sucre : c’est le passerillage.
Seuls 5 cépages d’origine locale sont autorisés dans le cahier des charges de l’AOC : Petit Manseng et Gros Manseng sont les plus importants, parfois accompagnés de Courbu, Lauzet et Camaralet.
Ces cépages puisent leurs nutriments dans des sols variés, issus de la formation des Pyrénées : sédimentation marine et poudingue (argilo-sableux ou argilo-silicieux) agrémentées de galets charriés par les torrents et la fonte des neiges.
Les vignes sont cultivées à flanc de coteaux, parfois en pente forte, jusqu’à 80% dans certains domaines, obligeant l’ensemble des récoltants à faire des vendanges 100% manuelles !
Vignes à flanc de coteaux au Clos Lapeyre © J'aime mon patrimoine
Vins de Jurançon : savoir-faire transmis avec passion de génération en génération
Cette pluralité des sols et d’altitudes apportent richesse et variété dans les vins des différents domaines de l’appellation Jurançon. Cette diversité est cultivée dans chaque domaine qui travaille ses vins avec passion, parfois depuis des générations.
C’est le cas au Domaine du Cinquau, situé à Artiguelouve, au cœur de l’appellation : cette propriété de la famille Saubot porte haut les couleurs du Jurançon, sur ses 12 hectares, depuis plus de 400 ans !
Le Domaine Bordenave, à Monein, compte seulement quelques décennies de moins que le domaine de Cinquau. Depuis 4 générations, la propriété se transmet par les femmes ! Aujourd’hui Gisèle Bordenave en tient les commandes, elle vient de créer deux nouvelles cuvées : Les Filles d’Abord et Les Copains d’Abord qui illustrent bien l’état d’esprit de cette famille chaleureuse !
Dans de nombreuses autres exploitations, l’heure est à la transmission. Au Clos Laplume, à Monein, Camille, qui frôle la trentaine d’années, vient de reprendre l’exploitation familiale de 3 hectares, relancée par son père il y a quelques décennies.
À Lucq-de-Béarn, Laurent Saint-Martin, et son épouse Pauline, représentent la 5e génération d’exploitants du domaine familial, acquis en 1888. Tous deux, formés en viticulture et ayant fait leurs armes dans les plus grands vignobles du monde, de la Californie à la Nouvelle-Zélande, ont créé le domaine viticole du Bois Sacré.
Au Domaine Bellegarde, à Monein, c’est Maxime Labasse qui vient de revenir au sein de l’exploitation familiale. Moins de 30 ans lui aussi, il prend peu à peu la suite de son père Pascal dans la gestion de leurs 11 hectares de vigne et du chai, où dorment également quelques bouteilles de chaque cuvée depuis 1988 !
Découvrez en images les visages de quelques vignerons du Jurançon
Tous ces vignerons partagent un sens commun de la solidarité. Réunis au sein de la Maison des Vins du Jurançon, physiquement située à Lacommande, ils s’entraident en achetant du matériel de manière mutualisée, en partageant un laboratoire d’analyses et surtout en échangeant conseils et coups de mains à longueur d’année, afin que chacun puisse produire ses vins dans les meilleures conditions possibles !
Maison des Vins du Jurançon à Lacommande © J'aime mon patrimoine
L’art de l’hospitalité au cœur du vignoble de Jurançon
La transmission de l’amour du terroir local se fait également envers chacun des visiteurs qui viennent à la rencontre de ces vignerons. Passer la porte de l’une des exploitations du Jurançon c’est pénétrer un univers et faire la rencontre de personnes toutes plus passionnées les unes que les autres !
Au Clos Lapeyre, Pedro, originaire de Colombie, arrivé il y a quelques années en Jurançon, vous parle de l’art du passerillage, du poudingue et du vent Balaguera comme s’il était né ici. C’est Jean-Bernard Larrieu, âme du Clos Lapeyre et défenseur des traditions béarnaises qui lui a transmis tout son savoir !
Au Domaine Coustarret, à Lasseube, Sébastien parle avec autant de passion de ses vignes que de l’histoire locale ou encore de ses randonnées au cœur des Pyrénées et des paysages à couper le souffle qu’il y admire à chaque fois comme une première fois !
Certains vignerons offrent également à leurs visiteurs des activités particulières en plus des dégustations de rigueur !
Au Domaine du Cinquau, un rallye découverte interactif entraîne petits et grands dans 4 siècles d’histoire au fil des vignes. Le Domaine Bayard propose de tester le nez des visiteurs avec un quiz olfactif. Le Clos Lapeyre a créé un parcours appelé La Jurançonada, accompagnée d’un audioguide de 14 stations à écouter en contemplant des illustrations peintes, disséminées entre les rangs de vignes.
En effet, l’art est aussi omniprésent chez les vignerons : le Domaine Bordenave accueille des œuvres monumentales et des expositions ponctuelles d’artistes devenus amis de la maison au fil des ans.
Au Domaine Bayard, les étiquettes sont peintes et les bouteilles transformées en lampes lors d’ateliers d’upcycling.
C’est encore autour de soirées théâtrales et musicales, organisées tout au long de l’été à Lacommande et dans plusieurs exploitations, que les vignerons se rassemblent, partagent et échangent avec les amateurs, touristes, et novices pour promouvoir les splendeurs et les trésors de leur vignoble qui fait face aux Pyrénées.
Pour en savoir plus sur les vins du Jurançon, c'est par ici !
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