Les Templiers : histoire et légendes
Parmi tous les ordres monastiques militaires du Moyen Âge, il en est un qui a fait couler beaucoup d’encre et qui continue d’habiter les légendes : ce sont les chevaliers de l’Ordre du Temple.
Si ces moines-soldats sont historiquement rattachés à la Terre Sainte, ils ont aussi laissé des traces en France, dans des lieux où certains s’échinent encore à découvrir le mythique trésor des Templiers...
De Jérusalem jusqu'au pape
Tout commence en 1095, lorsque le pape Urbain II, épaulé par l’influent Bernard de Clairvaux, exhorte pour la première fois les fidèles à aller combattre en Terre Sainte, pour permettre un passage sain et sauf aux pèlerins de Jérusalem.
La ville sainte tombe, en 1099, aux mains des croisés, menés par Godefroy de Bouillon, qui devient roi de Jérusalem. Autour de lui naissent des institutions formées de chevaliers, chargés de protéger les pèlerins, les moines et les trésors du Saint-Sépulcre.
Parmi eux, un chevalier champenois, Hugues de Payns, rassemble d’autres hommes avec pour mission de défendre les pèlerins venus d’Occident et les Etats latins d’Orient.
La Milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon naît officiellement en 1120, au concile de Naplouse. Le nom de Templiers vient de la référence au Temple de Salomon. En effet, le nouvel ordre établit ses quartiers dans le palais du roi de Jérusalem, Baudouin II situé sur l’emplacement du temple du roi Salomon.
Les chevaliers fondateurs de l’ordre sont au nombre de neuf, menés par Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer.
Dès la création de l’ordre, ils ont à cœur de faire reconnaître celui-ci par l’Église et d’accroître sa notoriété en Europe pour recruter davantage de membres.
Pour cela, Payns s’appuie sur des alliés influents, le roi de Jérusalem bien sûr, mais également Bernard de Clairvaux, le comte de Champagne, le comte de Nevers et de puissants ecclésiastiques.
La reconnaissance est finalement obtenue en 1139, et avec elle, c’est la protection du pape qui est gagnée par les Templiers.
Baudouin II cédant une partie de son palais de Jérusalem à Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer, Histoire d'Outre-Mer, Guillaume de Tyr, XIIIe siècle
Qui sont vraiment les Templiers ?
Les templiers ont le statut de moines-soldats, ils prononcent des vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, comme tous les moines. Il n’y a pas de condition financière ou d’origine pour devenir templier : tout garçon européen de plus de 18 ans peut devenir novice.
L’ordre a sa propre règle monastique, inspirée majoritairement de celle de Saint Benoît. Adaptée à la mission militaire des Templiers, elle les dispense cependant de jeûner trop souvent et de certaines prières.
Les Templiers sont répartis entre la province d’Occident, où ils vivent comme des moines à part entière, et la province d’Orient, où ils combattent, sécurisent les routes pour les pèlerins et bâtissent des forteresses défensives dans les Etats latins.
Ces territoires, le comté d’Edesse, la principauté d’Antioche et le royaume de Jérusalem, correspondent à la Syrie, le Liban, la Palestine actuels.
Tous ne sont pas chevaliers : certains sont de simples sergents d’armes, combattants non nobles qui n’ont pas été adoubés ; d’autres sont des sergents de métiers qui gèrent les commanderies et veillent au bon fonctionnement de l’Ordre. Respectés pour leur maîtrise technique et leur vaillance au combat, ils sont farouchement craints par les musulmans.
Les Templiers vivent de dons, de legs, de rentes, qu’ils font fructifier et perçoivent des droits sur leurs terres en Occident. Mais cet argent n’est pas utilisé en dépenses somptuaires, il est envoyé en Orient pour financer l’équipement des combattants et la construction de forts.
La croix de vermeille, symbole des Templiers depuis 1147
Quelques lieux emblématiques de l’Ordre du Temple
En Europe, les Templiers sont présents en Allemagne et en Hongrie, en France, en Angleterre, au Portugal, en Espagne et en Italie.
Dans chaque pays, l’ordre est organisé en commanderies, sortes de monastères et centres administratifs, dirigés par un maître de l’Ordre. On estime qu’il y avait en France environ 700 commanderies, principalement en Champagne, en Provence et en Aquitaine. La plupart ont été détruites, mais certains lieux restent emblématiques du passage des Templiers.
La Commanderie d’Avalleur dans l’Aube
Située à une trentaine de kilomètres de Troyes, en plein comté de Champagne, la commanderie d’Avalleur date de 1172. C'est l'une des mieux conservées en France.
C’est un parfait exemple de commanderie rurale en Europe, avec son monastère, sa chapelle, ses bâtiments communautaires et ses dépendances agricoles.
À Avalleur, les Templiers sont les seigneurs du village : ils possèdent également le four, le moulin, la citerne, ainsi que de nombreuses terres. L’argent perçu sur les rendements agricoles est envoyé en Orient pour soutenir les frères combattants.
Simple, dépouillée et fonctionnelle, la commanderie d’Avalleur illustre parfaitement la vie monastique des Templiers que l’on connaît moins.
La Tour du Temple à Paris
En plein cœur de la capitale, la Tour du Temple, aujourd’hui détruite, symbolisait la puissance de l’Ordre.
Cette tour carrée, datant du règne de Saint Louis, était fortifiée, entourée de mur épais percés de meurtrières, et ceinte de douves. Elle jouxtait la maison du Temple, la plus grande et importante commanderie templière de France.
La Tour du Temple a abrité le trésor royal pendant près de quatre siècles, confié à la garde des Templiers puis des Hospitaliers. Au XVIIe siècle, elle est transformée en prison, où sera incarcérée la famille royale pendant la Révolution.
La Commanderie de Sainte-Eulalie-de-Cernon, en Aveyron
En 1159, le roi d’Aragon Raymond Bérenger fait don du village de Sainte-Eulalie-de-Cernon et du Larzac aux Templiers du Rouergue.
Ceux-ci entreprennent de rebâtir l’église du village et de construire une commanderie. On peut aujourd’hui admirer la sobriété de l’église du XIIe siècle, ainsi que les bâtiments communautaires de la commanderie, notamment la salle d’honneur et ses voûtes très bien conservées.
À la chute de l'Ordre, au début du XIVe siècle, les Templiers du Rouergue sont emprisonnés dans la forteresse Royale de Najac. Tous leurs biens sont confiés aux Hospitaliers, autre ordre militaire, qui occupe ensuite Sainte-Eulalie.
Le château de Gisors, dans l’Eure
Dominant superbement sa motte castrale, le château de Gisors est une des fortifications marquant la frontière entre duché de Normandie et royaume de France.
Tour à tour fief du roi d’Angleterre, du roi de France, et place forte des Templiers, il devient en 1310 la prison du dernier grand maître de l’Ordre, Jacques de Molay.
Célèbre pour sa beauté et la richesse de son histoire, le château fait aussi l’objet d’un engouement dans les années 1960, lorsqu’un jardinier affirme avoir trouvé le trésor des Templiers dans un souterrain du château. Des fouilles sont organisées, mais rien n’y fait. Le jardinier meurt quelques années plus tard et le mystère reste entier ...
Un complot royal
À la fin du XIIIe siècle, les Templiers sont affaiblis par plusieurs défaites militaires en Terre Sainte. Chassés de Saint-Jean-d’Acre, leur raison d’être est remise en cause. Ils mènent en Occident une vie de riches seigneurs, parfois contraire à leurs vœux monastiques. À la même époque, le roi de France Philippe IV le Bel désire renforcer son autorité sur l’Église de France et supporte mal la présence d’un ordre indépendant et puissant dans le royaume.
Le roi et son âme damnée, Guillaume de Nogaret, décident de provoquer la chute de l’Ordre. Répandant des rumeurs sur leurs pratiques prétendûment hérétiques et immorales, ils obtiennent du pape Clément V qu’une enquête soit ouverte en 1307 sur les Templiers. Mais le roi a besoin d’argent et ne veut pas attendre. Le 13 octobre, il fait saisir tous les biens des Templiers et les fait arrêter par ses baillis et sénéchaux, dispersés partout en France.
Dans leurs prisons, les Templiers sont inlassablement torturés et finissent par avouer tous les crimes imaginaires dont on les accuse. Un procès expéditif est ouvert par le Grand Inquisiteur, qui ordonne la fermeture de l’Ordre et condamne les hauts dignitaires au bûcher.
Le grand maître Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, son second, sont brûlés vifs en mars 1314 en face de Notre-Dame de Paris. Les autres frères quant à eux, sont progressivement libérés et disséminés dans d’autres ordres religieux, et leurs biens sont confisqués par la Couronne ou redistribués à l’ordre des Hospitaliers.
Des légendes séculaires
La fin des Templiers a donné naissance à plusieurs légendes, véhiculées depuis des siècles en France. Jacques de Molay, sur son bûcher, aurait ainsi maudit le pape Clément V, et le roi Philippe le Bel sur treize générations.
Coïncidence étonnante : les deux nommés meurent subitement dans l’année. L’absence de descendance masculine sur le trône de France provoque, en partie, la Guerre de Cent Ans. Cette malédiction, racontée par un historien italien au XVIe siècle, et popularisée par les romans de Maurice Druon Les Rois maudits, est en faite imaginaire.
Les seuls mots du dernier grand-maître ont été «Dieu sait qui a tort et a péché: et s'abattra bientôt le malheur sur ceux qui nous condamnent à tort. Dieu vengera notre mort.»
La légende du trésor des Templiers est elle aussi tenace. L’existence d’un extraordinaire trésor constitué d’or, de bijoux, de documents secrets, de l’Arche d’Alliance ou encore du Graal, est un thème récurent dans la littérature et au cinéma et bien des aventuriers se sont évertués à le chercher aux quatre coins du monde, pour l’instant sans succès. Si les Templiers ont bel et bien un trésor, il s’agit en fait d’archives et de saintes reliques, comme pour la plupart des ordres religieux.
Le sceau des Templiers : un cheval avec deux cavaliers
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