Le château de Saint-Fargeau, le château d'enfance de Jean d'Ormesson
« Un parc immense, les tours, les bosquets, les bancs à l'ombre des tilleuls, les allées entretenues avec soin, les plates-bandes de pensées et de bégonias […] Deux fois par mois, M. Machavoine venait remonter en silence les horloges. Il se glissait dans le billard, dans le petit salon, dans le grand salon, dans la bibliothèque, dans la salle à manger, dans la salle à manger des enfants, dans l'office, dans l'immense cuisine, dans la vingtaine de chambres qui restaient ouvertes toute l'année. Il vérifiait si les pendules, les horloges, les cartels donnaient bien l'heure exacte, et il les remontait. Il m'arrivait de le suivre de pièce en pièce avec une fascination qui m'étonnait moi-même. » Au plaisir de Dieu, Jean d’Ormesson
Le château de Saint-Fargeau est le cadre central du roman Au plaisir de Dieu de Jean d’Ormesson. Cette architecture massive, dont les tours ornées de lanternons rappellent Chambord, a triomphé de dix siècles d’histoire en pays bourguignon.
Découvrez ce lieu haut en couleurs qui a bercé et inspiré les récits de l’écrivain, foulé et habité par d'illustres personnages de l’Histoire de France. Grâce aux soins experts de la famille Guyot, le château est parvenu jusqu’à nous. Ses secrets demeurent encore intacts pour notre plus grand plaisir !
Sur les traces du château de Saint-Fargeau à la période médiévale
Les premières traces du château de Saint-Fargeau remontent à l’année 980, date à laquelle Héribert, évêque d’Auxerre et demi-frère d’Hugues Capet, fait édifier une demeure de chasse fortifiée.
Entre le Xe et le XVe siècle, de grandes familles françaises investissent ces lieux, tels que les seigneurs de Toucy. Ithier III de Toucy, est célèbre pour avoir accompgné le roi Louis VII en croisade.
Après le mariage d'une descendante des seigneurs de Toucy avec le comte de Bar, le château de Saint-Fargeau change de propriétaires.
Puis, la demeure est cédée au grand argentier du roi Charles VII, Jacques Cœur. Ce marchand français est également négociant, banquier et armateur.
Premier français à établir des relations commerciales avec les pays du Levant, il est nommé grand argentier par le roi Charles VII, en 1439. Sa fortune lui permet de participer, au nom du roi, à la reconquête de territoires encore occupés par les Anglais.
Mais, s'attirant toute la jalousie de la cour, il est disgrâcié en 1451. Emprisonné, banni, il meurt loin de la France, à Chios, en Grèce.
En 1453, après la disgrâce de Jacques Cœur, Antoine de Chabannes lance la construction du château que nous connaissons aujourd’hui : pentagonal, flanqué de six imposantes tours de briques roses. L’édification repose sur les bases fortifiées antérieures.
La Grande Mademoiselle
En 1652, Anne-Marie Louise d’Orléans, la cousine germaine de Louis XIV, surnommée « la Grande Mademoiselle », est contrainte de s’installer à Saint-Fargeau. Ayant participé aux événements de la Fronde, elle est condamnée à l’exil dans ce château.
Elle entreprend des travaux sur les conseils avisés de l’architecte du classicisme français, Louis Le Vau.
Ce dernier va essentiellement œuvrer sur les façades intérieures du château où l’on distingue encore, malgré les destructions révolutionnaires, les lettres « AMLO », les initiales de la Garnde Mademoiselle.
Le tableau secret de Louis-Michel Lepeletier
En 1713, c’est au tour de la famille Lepeletier d’acquérir le château de Saint-Fargeau.
Mais, en 1752, un incendie ravage la demeure ainsi qu’une partie du bourg.
Un second se déclare un siècle plus tard, détruisant notamment les appartements de la Grande Mademoiselle, sa galerie et la salle des Gardes, la plus vaste de France au moment de sa création.
En 1778, Louis-Michel Lepeletier hérite de Saint-Fargeau.
Conventionnel, il vote la mort de Louis XVI et est assassiné la veille de l’exécution du roi, dans un restaurant parisien.
Cette scène a été peinte par Jacques-Louis David, au même titre que la célèbre mort de Marat !
L’œuvre a été achetée par la fille unique de Louis-Michel Lepeletier aux hériters de David, sous condition de ne pas la détruire.
Selon la légende, elle l’aurait donc cachée dans un mur du château de Saint-Fargeau que personne n’a encore été en mesure de localiser jusqu’à ce jour !
Jean d’Ormesson, héritier de la famille Lepeletier, raconte qu’il était alors de tradition dans la famille, qu’à chaque génération la mère transmette le lieu de la cachette à sa fille.
Le secret aurait été perdu avec la mort, pendant l’Occupation, de la grand-mère de l’écrivain, sans que sa fille ait pu être à son chevet…
Des sauveurs de châteaux : la famille Guyot
Cette famille de passionnés de châteaux sauve des édifices en péril depuis plus de quarante ans. Parents, enfants, tous prennent part à l’aventure consistant à restaurer les monuments afin de les ouvrir au grand public. Tout commence avec les frères Jacques et Michel Guyot, en 1979…
C’est à cette date que Michel et Jacques Guyot achètent le château de Saint-Fargeau et s’appliquent à travailler à sa restauration grâce à une vaste campagne de sauvetage. Les fonds récoltés grâce au spectacle historique de Saint-Fargeau, son et lumière dont Michel Guyot est à l’origine, ont largement contribué à restaurer l’édifice.
Ainsi la visite du château toute l'année et le spectacle historique permettent de faire revivre les briques roses multiséculaires de Saint-Fargeau !
Non loin de là, Michel Guyot est également à l’origine du chantier de Guédelon, ouvert en 1997. Ce projet au long cours entreprend de construire, en retrouvant le geste et les technique médiévales, un authentique château fort de l’époque du règne du roi Philippe Auguste (1165 – 1223).
Du château de Saint-Fargeau au chantier de Guédelon, en passant par les châteaux de Bridoire et Marzac, ces bâtisseurs de rêves se transmettent leur passion du patrimoine de génération en génération, pour que continuent de battre à l’unisson cœurs et pierres !
Cour du château de Saint-Fargeau dans l'Yonne ©Christophe.Finot