Histoire de Saint-Cyr : de Madame de Maintenon à l’école militaire
Peut-être connaissez-vous Saint-Cyr-l’École, tranquille commune des Yvelines, dont le nom est depuis bien longtemps associé aux établissements qui ont fait sa renommée. Tout commence ici au XIe siècle avec la création d’une chapelle et d’un prieuré par les chanoines de Sainte-Geneviève.
Au milieu du XVIIe siècle, le village attire de plus en plus de monde qui vient travailler sur le chantier du château de Versailles. Le bourg de Saint-Cyr grandit, mais sa notoriété tient à autre chose qu’à sa localisation avantageuse… Découvrez la genèse de deux institutions qui n’ont de commun que leur nom.
Madame de Maintenon et la construction d'une école à Saint-Cyr
À la cour du roi Louis XIV, l’influence de la marquise de Maintenon se fait de plus en plus ressentir. Et pour cause ! On chuchote au détour d’un couloir, dans l’ombre des lambris, que le roi l’a épousée en secret un soir de novembre 1683.
Françoise d’Aubigné, née dans une prison, veuve d’un poète difforme et gouvernante des bâtards de Louis XIV, a-t-elle intrigué pour séduire le roi, ou au contraire le ramène-t-elle dans le droit chemin ?
On la dit très pieuse et animée par une vocation d’enseignante, si bien qu’elle a fondé plusieurs années auparavant une école pour jeunes filles pauvres.
En 1685, le roi lui offre un terrain non loin de Versailles, à Saint-Cyr, pour donner à son école des bâtiments dignes de ce nom. Il nomme même le célèbre Mansart, architecte du château de Versailles, pour superviser la construction, et finance entièrement les travaux.
L’école, dotée d’une chapelle, d’une infirmerie et d’un jardin à la française, peut désormais accueillir 250 élèves et une soixantaine de professeurs.
L’œuvre de Madame de Maintenon : la Maison Royale de Saint-Louis
C’est ainsi qu’est fondée la Maison Royale de Saint-Louis, qui va être dirigée par la marquise de Maintenon. Elle est destinée à prendre en charge l’éducation des jeunes filles de familles exclusivement nobles, s’étant ruinées au service du roi.
Les élèves sont réparties en quatre classes selon leur âge, y reçoivent une instruction complète, puis sortent à 20 ans pour être mariées ou entrer au couvent, avec une dot offerte par le roi. À la cour, la présence de ces filles de la noblesse, belles, pieuses et pleines d’esprit, tout près de Versailles, fait beaucoup parler.
Quand Madame de Maintenon décide en 1689 de monter avec ses Demoiselles de Saint-Cyr la pièce de Racine Esther, ce sont tous les grands noms de la cour qui s’y déplacent. À la lumière dansante des chandelles, dans la soie et les brocarts des décors et des costumes, fournis par le roi, les demoiselles de Saint-Cyr font un triomphe. C’est l’heure de gloire de la Maison Royale.
Le déclin de la Maison Royale
Malgré le succès qu’elles rencontrent, Madame de Maintenon craint que les représentations à Saint-Cyr ne détournent les jeunes filles de la piété et de la pureté qu’elle veut tant leur inculquer. Les hommes d’Église dont elle est proche, notamment l’abbé Godet des Marais, lui recommandent de durcir les règles de la Maison Royale.
Poésie et théâtre disparaissent; rubans, poudre à cheveux et discussions dans les allées du jardin sont bannies, et en 1692 la Maison Royale devient officiellement un couvent.
Le grand mécène de Saint-Cyr, Louis XIV, meurt en 1715, puis la marquise de Maintenon s’éteint à la Maison Royale quatre ans plus tard. Ayant perdu ses protecteurs et sa réputation de former des femmes d’esprit, la Maison Royale tombe dans l’oubli. De prestigieuse institution royale, elle devient un obscur couvent, dédaigné par la noblesse et le roi Louis XV lui-même, et perd ainsi son aura du siècle précédent.
La Révolution française éclate et a raison de Saint-Cyr. Fermée en 1792 par la Convention, la Maison Royale est transformée en hôpital militaire à partir de 1793 puis en prytanée militaire en 1800. C’est le début d’une toute nouvelle vocation pour Saint-Cyr.
L'école militaire : de Saint-Cyr à Coëtquidan
En 1802, dans son vaste programme de réforme de l’instruction, le premier consul Napoléon Bonaparte crée l’École Spéciale Impériale Militaire. D’abord installée à Fontainebleau, l’ESIM déménage en 1808 à Saint-Cyr, dans les bâtiments de la Maison Royale de Saint-Louis.
L’objectif de l’École Spéciale est de recruter sur concours puis de former les futurs officiers de l’armée de terre, suivant un programme académique, des entraînements de terrain et une formation humaine, répondant ainsi à sa devise Ils s’instruisent pour vaincre.
Au cours du XIXe siècle, l’École Spéciale Militaire grandit et forme de plus en plus d’officiers, dont beaucoup tombent avec honneur sur le champ de bataille pendant la guerre de 1870.
Durant la Grande Guerre, de 1914 à 1918, les élèves de l'École Spéciale Militaire s'illustrent en véritables héros au secours de la patrie.
Puis, en pleine Seconde Guerre mondiale, l’ESM déménage à Aix-en-Provence, en zone libre, de 1940 à 1942. Lorsque l’Allemagne envahit la zone libre, de nombreux élèves s’engagent dans la Résistance aux côtés du Général de Gaulle ou traversent la Méditerranée pour continuer les combats en Afrique du Nord. Ils ne rentrent pas à Saint-Cyr, au “vieux bahut” comme ils l’appellent, car les bâtiments historiques sont détruits par les bombardements.
À la Libération, l’ESM s'installe provisoirement en Bretagne, à Coëtquidan. La lande bretonne étant plus propice aux exercices militaires que l’ancienne Maison Royale de Saint-Louis, l'École Spéciale reste définitivement à Coëtquidan.
Les bâtiments historiques, quant à eux, sont restaurés dans les années 1960 sous l’impulsion du général de Gaulle, président de la République. Ils abritent désormais le Lycée Militaire de Saint-Cyr.
Saint-Cyr et ses traditions
Fait étrange, si l’ESM a déménagé en Bretagne, elle garde, même officiellement, le nom de Saint-Cyr. De son côté, la ville de Saint-Cyr prend le nom de Saint-Cyr-l’École. Le lieu et l’institution sont intimement liés par 150 ans de traditions.
C’est en effet dans les bâtiments historiques que se sont forgées l’âme de l’école et ses coutumes qui perdurent encore. Outre de nombreux chants, fêtes et chahuts institués comme traditions séculaires à l’ESM, on retrouve des éléments ancrés dans la culture civile et populaire.
Ainsi, le premier défilé de saint-cyriens a lieu en 1819 devant le roi Louis XVIII, et nous les retrouvons chaque 14 juillet sur les Champs-Élysées en Grand Uniforme, institué en 1852.
En 1855, pour rendre hommage à la reine Victoria en visite à Paris, les élèves de Saint-Cyr portent sur leur shako un plumet aux couleurs de l’Angleterre, blanc et rouge. Les saint-cyriens ne vont jamais se séparer de cette coiffe emblématique à laquelle ils affublent le surnom de “casoar”, et qui figure encore sur le blason de la ville de Saint-Cyr-l’École !
Mais, l’explication la plus évidente de cette notoriété est certainement que ceux qui ont fait l’âme de Saint-Cyr sont aussi ceux qui ont fait l’âme de la France, de Foch au général de Gaulle en passant par Lyautey, Charles de Foucauld et le général Leclerc.