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25/06/2020
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Rencontre avec Lara Scarlett Gervais : présidente d'Héritage & Civilisation

Lara Scarlett Gervais est photographe et aventurière reporter. Après des études d'archéologie à la Sorbonne et à l'Ecole du Louvre, elle entreprend plus de 60 voyages, notamment au Moyen-Orient. Témoin de rencontres et d'expériences culturelles fortes, Lara prend conscience de la vulnérabilité du patrimoine culturel mondial, et fonde Héritage & Civilisation, une association au programme éducatif engagé pour la préservation et la transmission du patrimoine, à travers le lien humain, dont J'aime mon patrimoine est désormais partenaire. Témoignage.

Pouvez-vous vous présenter brièvement ?            

Je m'appelle Lara Scarlett Gervais. J'ai trente-trois ans. J'ai voyagé dans plus d'une soixantaine de pays, en général seule et chez l'habitant, et je me laisse guider par mes rencontres. Ce que j'aime, c'est aborder un pays par sa frontière.

Qu’est-ce qui vous a poussé à partir ?

Quand je voyage, je me laisse guider par mes rêves d'enfants.  J'avais envie de découvrir la murale de Chine. D'ailleurs, j'avais envie de dormir sur la muraille de Chine de voir le lac Baïkal, de voir la mer d'Aral de trouver mon baobab en référence au Petit Prince. Je coche la liste de de mes envies et de mes rêves.

Pourquoi as-tu choisi une zone de guerre au Moyen Orient ?

En fait, je n'ai pas choisi une zone de guerre dans ma façon de voyager. J'atterri dans un pays et je me laisse guider par mes rencontres. J’ai donc atterri à Téhéran un pays que j'avais traversé quelques mois auparavant, et j'ai ensuite été au Kurdistan iranien en passant la frontière. J'ai rencontré un syrien dans un taxi collectif qui m'a raconté son histoire d'amour et qui m'a expliqué qu'il allait se marier à Damas le mois prochain. Quand il m'a dit ça, je me suis dit que j’irai ensuite en Syrie ! Il m'a que ce n’était pas possible, que c’était la guerre, et que c’était trop dangereux. Je lui ai donc répondu : « Mais si toi tu te maries en Syrie, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas habiter à Damas ! ». C’était la première rencontre qui m’a poussée vers la Syrie.

Quel était ton objectif en allant au Moyen-Orient ?

Comme je viens de vous l'expliquer, je n'avais pas vraiment d'objectif particulier, à part celui de nourrir ma curiosité et d'essayer de comprendre le monde dans lequel nous vivons par moi-même, et avec la mise en application de mes cinq sens. C’est en rentrant que j'ai eu envie de de transmettre ce que j'avais vécu.

Peux-tu nous raconter cette évacuation du musée de Palmyre ?

J'ai participé à l'évacuation du musée de Palmyre. J’ai fait des études d’archéologie, donc lorsque je suis arrivée en Syrie, j’ai donc été spontanément au musée national de Damas. J'ai demandé à rencontrer le directeur Maamoun Abdulkarim, en lui expliquant que je voulais vivre avec les archéologues à Palmyre. Je ne voulais pas y aller deux heures simplement pour dire que je suis allée dans cette ville. J'avais vraiment besoin, comme dans tous mes voyages, de de prendre mon temps, de ressentir les choses. J’ai donc pu participer à cette évacuation, qui m'a énormément marquée, qui fait désormais partie de mes souvenirs très importants.

Est-ce que de découvrir le patrimoine international change ton approche sur le patrimoine français ?

Évidemment, découvrir le patrimoine international - surtout quand on ne se rend pas compte de ce qu'il s'est passé à Palmyre – ou les destructions du patrimoine font prendre conscience qu'il faut protéger notre patrimoine, parce que ça fait partie de notre histoire, de nos racines et qu’il fait partie de la construction de tous les êtres humains qui vivent dans n'importe quelle ville ou pays du monde.

Quel est ton souvenir le plus marquant ?

J'ai énormément de souvenirs puisque j'ai rencontré beaucoup de gens. Un de mes souvenirs les plus marquants est d'avoir voyagé avec une jeune femme aveugle, une jeune ismaélienne avec qui je suis partie. Cette rencontre était assez particulière puisqu’elle était mon guide, et j'étais ses yeux. Nous sommes parties à Masyaf, nous devions mettre ses pieds sur les bonnes pierres pour pouvoir monter sur chaque terrasse du château et le visiter. C’est un moment symbolique très fort très important pour moi.

Comment ces voyages et expériences ont influencé tes actions actuelles ?

Alors évidemment, comme vous pouvez l’imaginer, voyager en Syrie et en Irak pendant six mois pendant le conflit, c'est un voyage et des rencontres qui changent une vie. Ce sont des enfants qui qui m'ont donné mes plus belles leçons de vie. C'est une petite fille à Homs, Céline, qui, à un moment où je ne comprenais plus vraiment le sens de ma présence dans ce pays, m'a rappelé qu’elle avait six ans et qu'elle avait connu que la guerre. À partir de ce moment-là, j'ai décidé que j'allais me battre pour elle pour qu'elle puisse avoir la parole. Qu'elle puisse pouvoir échanger avec d'autres enfants dans le monde. J’ai donc eu l'idée de connecter les enfants par leur patrimoine de proximité. Le projet s'est monté, et s'appelle aujourd'hui le programme international éducatif Odyssée pour que les enfants se réapproprient leur patrimoine de proximité, et qu’ils découvrent par la création artistique et culturelle le patrimoine des autres et partageant leur patrimoine avec les autres enfants dans le monde.

Comment nous, simples particuliers pouvons-nous t’aider ?

Vous pouvez nous aider en adhérant à l'association, en relayant nos activités, et en vous intéressant simplement à votre patrimoine.

Comment s’appelle ton association ?

Mon association s’appelle Héritage & Civilisation.

Quels sont tes prochains projets ?

Notre prochain projet, c'est évidemment de structurer le développement du programme Odyssée pour qu'il soit accessible au plus d'enfants possible. On a vu durant le confinement que c'est un programme qui a continué d'exister, et que les enfants ont énormément d'échanges. C'est un programme francophone.

On espère pouvoir le développer beaucoup vers les pays d'Afrique francophone, et également le développer dans les zones rurales, et dans nos campagnes où on a un patrimoine très riche. Il n’est pas assez mis en valeur, et les enfants peuvent nous aider à nous réapproprier également notre patrimoine.

Quel message voudriez-vous faire passer ?

Je vais conclure par une phrase très simple : pour moi s'intéresser à son patrimoine, ce n'est pas être tourné vers son passé, mais c'est préparer le monde de demain.

 

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