Rencontre avec Guillaume Henry - Rédacteur en chef du magazine VMF
D’où votre passion pour le patrimoine vient-elle ? Quel lieu vous a le plus marqué ?
J’ai passé mon enfance au cœur du Périgord Noir, en Dordogne, dans une belle demeure. Cette maison - que nous n’avons plus aujourd’hui - reste évidemment mon lieu le plus marquant, car il est celui de l’enfance, de l’insouciance et de l’éveil aux sens. Mais les « vieilles pierres » en général ont toujours sur moi un effet puissant et singulier, sans doute partagé par tous les amoureux du patrimoine.
Quel est votre parcours ?
Mon premier métier est d’être cavalier. J’ai passé l’instructorat au Cadre noir de Saumur puis ai dirigé différents centres équestres. J’ai ensuite été directeur d’édition aux Éditions Belin, où j’ai publié environ 250 livres et créé le plus gros catalogue français (et un des trois plus gros mondiaux) autour du cheval et de l’équitation. Je me suis ensuite occupé de revues équestres.
Parallèlement, j’ai écrit plusieurs ouvrages pratiques et historiques sur le cheval et l’équitation et eu de nombreuses activités bénévoles : création d’un prix littéraire que j’ai présidé pendant 30 ans, une commission « culture » au Comité régional d’équitation d’Ile de France, et ai présidé la Mission Française pour la Culture Équestre, association sous l’égide du Ministère de la Culture, destinée à suivre le dossier de l’équitation française auprès de l’Unesco (l’équitation française étant inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité depuis novembre 2011) et de promouvoir cet art au niveau national et international.
J’ai donc toujours eu une solide appétence pour l’histoire (que j’enseigne à l’Université de Saumur) et le patrimoine. J’ai d’ailleurs initié une série sur les patrimoines équestres (en périls, disparus ou à découvrir) sur notre magazine digital PAJ-Mag.fr.
Comment le magazine VMF est-il né ? Comment a-t-il évolué au fil de ces 300 numéros ?
Le premier « magazine » imprimé, et non plus ronéotypé, est né en juillet 1959. À l’époque, il ne s’agissait que du bulletin trimestriel de l’association – créée une année plus tôt. Il se composait de douze pages rendant compte de l’actualité des membres, des projets de visites, de vœux de rétablissement aux membres souffrant et des patrimoines ouverts au public.
Marie-Claire Colignon, arrivée aux VMF dans les années 1980, d’abord au poste de correctrice puis de rédactrice en chef, en fera, avec l’appui du bureau de l’époque, un véritable magazine.
Le bulletin se dote d’une couverture bleue en 1961, puis change de format et devient une revue en 1975 ; il évolue encore dans les années 1986, puis 1990, puis 2001 avec une nouvelle formule. Jean-Baptiste Rendu, rédacteur en chef pendant 12 ans, puis Armelle Fémelat pendant un an, poursuivront l’évolution éditoriale.
Le magazine actuel, dans sa maquette comme dans son papier, est le travail de Nicolas Chaudun, directeur de publication des Éditions de l’Esplanade entre 2014 et 2020. Je prolonge l’œuvre de tous en affirmant la place de ce magazine dans le paysage de la presse et du patrimoine.
Quelles sont les valeurs promues par le magazine ?
Le magazine est désormais devenu un média incontournable du patrimoine. À travers ses dossiers, enquêtes, entretiens ou ses rubriques actus, livres, art de vivre, etc., il promeut les richesses locales de la France, la défense du patrimoine, sa mise en valeur, sa place dans nos consciences. Il valorise aussi un certain art de vivre et offre au lecteur un moyen de « penser » le patrimoine, donc sa conservation et sa transmission.
Comment concevez-vous un numéro (choix des thèmes, des iconographies) ?
Nous publions 6 numéros par an, dont un spécial « Culture Jardins ». Une des particularités de ce magazine est d’avoir, à chaque numéro, un dossier lié à une ville ou à un département. Dans ce dossier, nous donnons des coups de projecteur sur un patrimoine religieux, un patrimoine moderne, un château, un jardin, une belle demeure offrant une « ambiance » typique du lieu du dossier. Les VMF ayant un délégué dans chaque département, nous le contactons et travaillons étroitement avec lui. Dans le même temps, nous effectuons nos propres recherches auprès des mairies, des syndicats d’initiatives, des CAUE, etc. Nos journalistes connaissent aussi des lieux originaux.
Nous faisons dès lors un choix, sachant que, comme le dit l’adage, « choisir, c’est renoncer ». Mais il y a un autre point d’importance qui détermine ces choix, c’est l’image. La photo – et l’icono en général - tient une grande place dans le magazine. Pour chaque numéro, nous envoyons un photographe sur place, qui accède parfois à des lieux interdits au public. Le sujet retenu doit être « visuel », parfois surprenant, et l’ensemble de chaque numéro doit répondre à un rythme graphique. Nous disposons aujourd’hui d’une imposante banque d’images, unique, de plus de 80 000 photos.
Peut-on s’attendre à des surprises pour ce 300e numéro ?
Pour ce numéro 300, qui signe plus de 60 ans au service du patrimoine, le magazine s’enrichit de plusieurs rubriques, désormais récurrentes : 2 pages Art de vivre, 4 pages d’Entretien avec une personnalité du monde de la culture ou des affaires, série inaugurée par un dialogue avec l’écrivain Jean-Joseph Julaud. Le dossier est désormais ouvert par un texte d’écrivain qui nous donne une « impression » du lieu.
Art de vivre - numéro spécial Strasbourg
Pour ce numéro « spécial Strasbourg », nous avons la chance d’avoir un écrit d’Éliette Abecassis, philosophe, femme de lettres, réalisatrice et scénariste française bien connue, née dans cette ville.
Dossier Strabourg - Artisan de l’Œuvre de Notre Dame - Magazine VMF (numéro 300)
Nous avons aussi un article « Portes ouvertes » sur le château de Tanlay, sur lequel nous publions un livre en fin d’année. Enfin, l’édito de ce numéro anniversaire est signé par Madame la Ministre de la Culture Roselyne Bachelot ; une chance pour nous car cela valorise et le magazine et le travail des VMF depuis plus de 60 ans.
Article Portes ouvertes sur le château de Tanlay
Quel avenir voyez-vous pour VMF Magazine ?
Depuis un an, le magazine papier se double d’un espace digital que nous allons développer à partir de 2022 autour d’enquêtes, de podcasts, etc. Nous espérons que ce dernier contribuera non seulement à soutenir le magazine papier, mais aussi à conquérir de nouveaux lecteurs. Nous ne manquons pas de projets.
Et pour la promotion du patrimoine en général ?
On a coutume de dire que les enjeux d’aujourd’hui sont les défis de demain. En l’occurrence, les deux se confondent désormais. L’impact catastrophique de notre mode de vie sur la planète est désormais une évidence. Si le changement climatique reste le fer de lance de cette prise de conscience, il n’est malheureusement pas le seul facteur de dégradation massive et irréversible de notre planète.
Le réchauffement probable de 2° à l’horizon de 2030 et peut-être de 6° à la fin du siècle, si on en croit le dernier rapport du GIEC (août 2021), va avoir des conséquences terribles sur l’élévation du niveau de la mer, la modification des précipitations, l’accroissement de conditions météorologiques extrêmes, la biodiversité, mais aussi évidemment sur les conditions de vie de l’homme. Tous les experts prédisent des famines, des guerres, des mouvements de population (réfugiés climatiques) très importants.
Le patrimoine n’échappera pas à ces enjeux : dans sa préservation « physique » c’est-à-dire dans la façon dont il va traverser les changements climatiques (sans parler de celui qui risque d’être englouti sous les eaux), mais aussi dans les choix économique et sociétaux que nous aurons à faire demain… et donc dès aujourd’hui, face à ces changements d’ampleur.
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