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18/07/2021
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Watteau, peintre d'hier et d'aujourd'hui

Fêtes galantes, parties de campagne, décors tendres et habits chamarrés, telle est sans doute la représentation que l’on a du style de Watteau. Sa carrière éclair, son œuvre prolifique, le succès qu’il a connu de son vivant, en font une éminente figure du XVIIIe siècle.

Mort en 1721, il y a 300 ans, Antoine Watteau n’en est pas moins actuel : découvrez avec nous cet artiste qui a bâti des ponts entre peinture, théâtre et poésie, pour créer un univers à l’ambiance onirique

 

Les débuts de l'artiste

Portrait de Watteau par Rosalba Carriera, 1721

Antoine Watteau est né à Valenciennes, en 1684, au cœur du règne de Louis XIV. Il est issu d’une famille de charpentiers, qui l’encourage très tôt à se former à la peinture.

Apprenti dès l'âge de 10 ans chez un peintre de Valenciennes, il décide, à 17 ans, de tenter sa chance en gagnant la capitale. Après avoir fréquenté le quartier de Saint-Germain-des-Prés et ses cabarets, il se retrouve sans le sou et trouve un petit emploi chez un marchand de dévotions sur le Pont-Notre-Dame. Il copie sans relâche des Saint-Nicolas et des tableaux flamands, un travail répétitif et peu formateur pour notre jeune artiste. 

Une étoile montante à Paris

L'Embarquement pour l'île de Cythère, 1717, Musée du Louvre

Par chance, il fait la connaissance du peintre Claude Gillot qui lui dispense un enseignement plus enrichissant, puis entre à l’atelier de Claude Audran, peintre décorateur qui réalise les décors d’hôtels particuliers parisiens. Antoine Watteau qui a déjà commencé à peindre des toiles de lui-même, pour la plupart des scènes de vie militaire, rêve de s’installer à son compte. 

Il rencontre des marchands d’art qui l’introduisent auprès de collectionneurs et, en 1712, il est reçu à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Le premier tableau qu’il y présente n’est fini qu’au bout de 5 ans, mais il reste l'une des œuvres les plus célèbres du jeune peintre: le Pèlerinage à l’île de Cythère, dit l'Embarquement pour l'île de Cythère 

Un univers théâtral

Pierrot, 1718, Musée du Louvre

Le style de Watteau est très novateur pour ce début de siècle et s’inspire d’éléments variés. Les grands peintres flamands Rubens, Rembrandt et Van Dyck sont ses maîtres à penser, mais  Watteau ne traite pas des sujets nobles comme la peinture d’histoire, mais plutôt des scènes de genre. 

Les scènes réalisées par l'artiste sont très marquées par des références musicales et par l’univers du théâtre, notamment la Commedia dell’Arte. On retrouve fréquemment un Pierrot, une jeune Colombine, un Pantalon ou un bel Arlequin sous le pinceau du jeune peintre, et le déguisement, le masque, le décor sont autant de motifs qui jalonnent son œuvre. Créateur du style pictural de la fête galante, il aime représenter des personnages empreints de légèreté, dans une ambiance badine et colorée.

Mais en regardant ses œuvres de plus près, on découvre souvent un visage songeur, une atmosphère désenchantée, qui n’enlèvent rien à la grâce des tableaux mais leur confèrent une imperceptible mélancolie. 

Un peintre à succès

Chose rare, Antoine Watteau connaît de son vivant un succès retentissant. Dès son admission à l’Académie royale, les commandes affluent. Très en vue dans l’entourage du Régent, il est aussi connu par-delà les frontières, et ses toiles sont prisées dans toutes les Cours d’Europe. 

C’est ainsi qu’il est amené à décorer la demeure de grandes familles princières, comme le château de Montmorency, aujourd’hui disparu, ou celui du Château de Condé, où l’on peut encore admirer ses somptueuses fresques

Château de Condé dans l'Aisne

Watteau bénéficie aussi de la protection d’amis puissants et influents dans le monde des arts.

Jean de Jullienne, célèbre amateur d’art, lui ouvre les portes des salons les plus prestigieux, tout comme le collectionneur Gersaint, dont la boutique est représentée dans le fameux tableau L’Enseigne de Gersaint. Ils sont tous deux de fidèles soutiens pour Watteau, jusqu’à sa mort prématurée en 1721.
C’est notamment par leurs écrits et ceux du comte de Caylus, que l’on connaît les détails de la vie et de la personnalité du peintre. 

 L'Enseigne de Gersaint, œuvre de Watteau peinte en 1720

Une postérité féconde

Fêtes Vénitiennes, 1717, Scottish National Gallery

Fort d'un réel succès en son époque, Watteau a marqué les esprits de nombreuses générations d’artistes après lui.
Si la Révolution bannit le style des fêtes galantes, jugé trop léger, pour laisser place au courant néo-classique, la peinture et la littérature du  XIXe siècle vont remettre notre artiste au goût du jour

Les Romantiques sont les premiers à s’enticher de Watteau. Sa personnalité fascine ces adeptes de la mélancolie. Son tempérament instable et sa mort prématurée contribue à en faire un génie, sorte de John Keats des arts picturaux.

Les symbolistes eux, vers le milieu du XIXe siècle, admirent la manière dont le peintre sublime la réalité en transportant l’observateur dans un univers fantasmé, aux contours flous

Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Baudelaire évoquent dans leurs poèmes des tableaux de Watteau, sans parler de Verlaine qui intitule son recueil Fêtes Galantes. On y retrouve vingt-deux poèmes évoquant le badinage amoureux, les parties de campagne et les personnages de la Commedia dell’Arte, thèmes chers à Watteau. 

 

Votre âme est un paysage choisi

Que vont charmant masques et bergamasques

Jouant du luth et dansant et quasi

Tristes sous leurs déguisements fantasques.

 

Tout en chantant sur le mode mineur

L'amour vainqueur et la vie opportune,

Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur

Et leur chanson se mêle au clair de lune,

 

Au calme clair de lune triste et beau,

Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres

Et sangloter d'extase les jets d'eau,

Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.

"Clair de Lune", Fêtes Galantes, Verlaine 

 

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