Salies-de-Béarn : la Cité du Sel
« Si you nou eri mourt, arres n'y bibéré » (Si je n'y étais pas mort, personne n'y vivrait.).
Cette phrase gravée, au-dessus d’une sculpture de sanglier, au cœur de la cité béarnaise de Salies (dans les Pyrénées-Atlantiques), rappelle à tous les origines légendaires de la ville et de la découverte du sel qui fait sa richesse.
Selon la mémoire locale, c’est au cours d’une chasse menée par le célèbre comte de Foix, Gaston Phœbus, qu’un sanglier blessé disparait dans les marais. Il est retrouvé quelques jours plus tard, mort, mais en parfait état de conservation et couvert d’une fine pellicule brillante, formée par les cristaux de sel après évaporation de l’eau.
Les salines découvertes à cette occasion auraient entraîné la fondation de la ville.
En réalité, les eaux salées de cette région du Béarn sont connues et exploitées dès l’Âge du Bronze. À l’époque romaine, ces eaux sont utilisées pour en extraire le sel, mais également pour des soins thermaux.
Dès le Moyen-Âge, la ville se construit et s’organise, « en escargot » autour de la place centrale du Bayaà où se trouve la source principale de la ville. Les voisins, appelés besis, sont tous propriétaires de la source salée.
Au fil des siècles, les règles concernant l’utilisation de l’eau s’établissent, jusqu’en 1587, date à laquelle elles sont inscrites par écrit dans le « Livre Noir » de la cité. Les propriétaires de la source prennent alors le nom de « Parts-Prenants de la Fontaine Salée ».
Les journées sont alors rythmées par des coups de cloches qui annoncent la puisée de l’eau salée par les tiredous (porteurs) qui utilisent des sameaux (cuves en bois de 92 litres environ). Ils les déversent dans les coulédés, réservoirs extérieurs aux maisons, acheminant l’eau vers les poêles privés, permettant l’extraction du sel.
Le nombre de sameaux par habitant est régit par le Livre Noir et appelé Compte de Saüce. Il est fonction du statut marital et de la place de chacun dans la fratrie. Les héritiers sont toujours les aînés mâles. Mais les filles peuvent devenir Part-Prenant, en cas d’absence de frère. Pour être Part-Prenant il faut également résider depuis au moins 6 mois dans Salies.
Malgré les soubresauts de l’histoire et les tentatives de plusieurs souverains de s’emparer de cette richesse, les Salisiens ont conservé la propriété de leur fontaine salée.
Si, aujourd’hui, l’exploitation du sel s’est semi-industrialisée, les Par-Prenants en sont toujours les bénéficiaires et les règles de succession et de propriété de 1587 s’appliquent encore.
Les Part-Prenants, également propriétaires des thermes de la ville qui se sont développés au XIXe siècle, louent l’exploitation de ces richesses à plusieurs sociétés.
Jusqu’en 2060, l’exploitation de la saline est confiée au Consortium du jambon de Bayonne. Ainsi, ce jambon renommé du Pays Basque ne peut être labellisé IGP que s’il est salé avec le sel de Salies-de-Béarn.
Séchoir à Jambons Oteiza © CG64