Trois histoires de moulins
A l’approche des Journées du Patrimoine de Pays & des Moulins, nous vous proposons de partir à la découverte d’un patrimoine bien souvent ignoré, les moulins à eau.
Depuis Don Quichotte et la mythique charge des moulins par le héros de Cervantès, notre imaginaire a tendance à ne plus se référer qu’aux seuls moulins à vents. Et pourtant, saviez-vous que jusqu'à la fin XIXe siècle la majeure partie de l’activité meunière française était réalisée par des moulins à eau ?
Nous vous proposons de partir à la découverte de quelques-uns des plus grands de ces moulins aujourd’hui reconvertis ou encore en activité.
Les moulins de Barbegal
Situés à proximité d’Arles, l’aqueduc et les moulins de Barbegal constituent un complexe meunier qualifié de « plus grande concentration connue de puissance mécanique du monde antique ».
Cet ensemble d’édifices hydrauliques a été construit au début du IIe siècle de notre ère et était doté d'un aqueduc permettant d’acheminer quelques 1 000 litres d’eau par seconde aux huit moulins du complexe.
Les archéologues estiment ainsi que ces huit moulins pouvaient produire jusqu'à 4,5 tonnes de farine par jour. Cette production était suffisante pour alimenter les 12 500 habitants d’Arles (Arelate) à cette époque.
Nous ignorons encore aujourd'hui la raison de l'abandon du site et la destination de sa production est encore largement contestée par nombre d'historiens.
Le moulin Richard de Bas
Ce moulin situé à 85 kilomètres de Clermont-Ferrand, dans le département du Puy-de-Dôme, est l’un des 7 derniers moulins français à produire encore du papier.
Il a été construit entre le XIVe et le XVe siècle dans les environs d’Ambert, région appelée à connaître la plus grande concentration de papetiers de tout le Royaume de France. Ambert fait d'ailleurs partie de l'association des Plus Beaux Détours de France.
Pourtant après plus de 600 ans d’histoire, le moulin Richard-de-Bas a bien failli cesser toute activité après la mort de son meunier en 1934.
En 1941, il est racheté par Marius Péraudeau, un ancien papetier tombé amoureux du site. S'ouvre alors une période de près de 25 ans durant laquelle le moulin est intégralement restauré.
Dès 1943, il est ouvert au public afin de faire connaitre les méthodes traditionnelles de production de papier en vallée d'Ambert. Cette ouverture s'accompagne de la création d'un musée au sein même du moulin.
Depuis, le moulin s’est rendu célèbre pour avoir fourni sa production aux plus grands noms du XXe siècle.
C'est ce papier, fait à partir de chiffons broyés et écrasés, qui a été utilisé pour l’impression de l'exemplaire original de la Constitution de la Ve République. Ce sont aussi de grands noms de l’art contemporain, tels que Picasso ou Dali, qui se sont servis du papier Richard de Bas. Il est toujours utilisé comme support des diplômes de tous les prix Nobel.
Aujourd’hui, le moulin continue à produire un papier de très grande qualité en utilisant la seule force de son cours d’eau.
Le moulin de la Tuilerie
Le moulin de la Tuilerie est bâti entre 1734 et 1736 sur l’emplacement d’un ancien moulin. Il porte alors le nom de moulin Aubert.
Destiné à la production de farine, il traverse le XIXe siècle en changeant régulièrement de propriétaire. En 1908 il cesse son activité meunière. Les installations hydrauliques du moulin sont en partie démantelées et le bâtiment transformé en résidence.
En 1920, la propriété est acquise par le peintre et styliste de théâtre Adrien Etienne dit Drian. Il y installe une partie de son atelier et y séjourne lorsqu’il ne travaille pas pour la famille royale d’Angleterre.
À cette époque, la liaison entre le duc de Windsor, futur Edouard VIII, et Wallis Simpson défraie la chronique. Après l’abdication d’Edouard VIII en 1936 et l’armistice du 8 mai 1945, le couple quitte l’Angleterre pour Paris.
Aux environs de 1952, Drian fait part au couple de son intention de vendre le moulin Aubert. Les Windsor décident de louer la demeure avant d’en faire l’acquisition.
Le moulin est en grande partie modifié sous l’impulsion de ses nouveaux propriétaires.
L’architecte-paysagiste anglais Russel Page, installé à Paris depuis 1945, redessine les jardins en exploitant le système hydraulique de l’ancien moulin. Stéphane Boudin, décorateur de Jackie Kennedy et de la Maison Blanche, est quant à lui chargé de l’aménagement intérieur.
Le moulin Aubert est rebaptisé par la duchesse qui lui donne son nom actuel de moulin de la Tuilerie.
Durant les années où le couple réside à Gif-sur-Yvette, il reçoit dans son moulin les plus grands noms de la société artistique et littéraire tels que Cecil Beaton ou bien encore Marlène Dietrich.
Le moulin de la Tuilerie a été revendu en 1973 suite à la mort du duc de Windsor. Il est aujourd'hui géré par le Landmark Trust, une fondation de charité britannique vouée à la protection du patrimoine culturel.