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20/07/2022
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L’Aube, terre de Champagne

Le saviez-vous, le département de l’Aube, possède 20 % du vignoble de l’appellation Champagne, répartis entre la Côte des Bar, la colline de Montgueux et Villenauxe-la-Grande !

Cette production, souvent méconnue, est le fruit d’une longue histoire qui remonte au Moyen Âge. Du vin tranquille au vin champagnisé, en passant par une révolte spectaculaire de vignerons, découvrez l’histoire de ce vignoble inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.

La Côte des Bar dans l'Aube

Un vignoble historique, créé par les moines de Clairvaux :

Cave de Champagne Monial © Olivier Douard

La vigne est cultivée en Champagne depuis le IIIe siècle. À partir de l’an mil, cette production est profondément développée grâce à l’activité des moines. Comme dans les Climats de Bourgogne, ils travaillent patiemment la terre et la vigne pour en tirer le meilleur.

Dans l’Aube, ce sont les moines de l’abbaye de Clairvaux, fondée par Saint Bernard, qui cultivent la vigne le long de la Côte des Bar. Les cisterciens fondent, dès le XIIe siècle, les premiers celliers et les premières caves, dont certaines sont encore utilisées aujourd’hui par des maisons de Champagne. C’est le cas, notamment, du Champagne Monial et du Champagne Drappier.
À la même époque, les Bénédictins, rattachés à l’abbaye de Montiéramey, cultivent aussi la vigne dans la Côte des Bar. Ils y ont façonné les coteaux et laissé pour témoignage le Prieuré de Viverie à Viviers-sur-Artaut.

Naissance du Champagne

Abbaye de Clairvaux, réfectoire des convers © Sylvain Bordier

Tout au long du Moyen Âge, les vins produits dans l’Aube sont des vins « tranquilles », c'est à dire non-effervescents. Mais un phénomène étrange de prise de mousse est régulièrement observé, augmentant la pression dans les fûts et les faisant exploser. Les moines surnomment ce vin « Messire Pétard », « saulte-bouchon », ou encore le « vin du Diable ».
Cette tendance naturelle à mousser est dû au climat froid de la région qui arrête la fermentation avant que l’intégralité du sucre n’ait été transformé en alcool. Une seconde fermentation débute alors au printemps, au retour des températures tempérées, faisant ainsi mousser le vin.

Longtemps déprécié, le goût pour cette boisson pétillante se développe à partir du XVIIe siècle, notamment en Angleterre, où elle devient, déjà, synonyme de fêtes. 

Une du Petit Journal le 14 juin 1914 - UN BICENTENAIRE : Il y a exactement deux cents ans que Dom Pérignon, moine bénédictin de Hautvillers, découvrit l'art de faire mousser le vin de Champagne

Dès cette période, de nombreux travaux de recherche sont menés pour créer le champagne que nous connaissons aujourd’hui : assemblage des vins, invention du bouchon en liège lié par du lin puis du fer, bouteilles en verre épais, ajout de sucre pour favoriser l’effervescence, puis, plus tardivement dégorgement pour éliminer les dépôts. C’est la méthode champenoise.

À partir des années 1830, l’ensemble de ces inventions sont attribuées au célèbre moine Dom Pérignon, chef cellérier de l’abbaye de Hautvillers, mort en 1715. En réalité, s’il est l’un des premiers à mettre l’accent sur la sélection des grappes et les assemblages, il lutte en revanche contre la prise de mousse. Ces processus sont élaborés tout au long du XVIIIe siècle par le travail des maisons de Champagne qui naissent à cette période.

Les plus célèbres (Heidsick, Bollinger, Moët, Veuve Clicquot…) deviennent expertes en communication et s’exportent dans toute l’Europe. Afin de satisfaire la demande, ces maisons, situées dans la Marne, autour de Reims et Epernay, achètent également les raisins des viticulteurs de la Côte des Bar, dans l’Aube.

La Révolte des Vignerons de l’Aube

Au début du XXe siècle, l’Aube compte seulement 6 maisons de Champagne, le gros de la production étant achetée, à petit prix, par les maisons marnaises.

À la suite d’une réclamation des vignerons de la Marne, l’État décide, fin 1908, de réglementer la production du Champagne et délimite la zone au seul département de la Marne. Les productions auboises ne peuvent plus prétendre à alimenter les cuves des Maisons de Champagne de la Marne.

Lorsque la loi est votée, en février 1911, par la Chambre des Députés, un vent de révolte s’empare des vignerons de la Côte des Bar ! La Fédération des Vignerons de l’Aube est fondée, avec à sa tête Gaston Cheq. Dès lors de nombreuses manifestations sont déclenchées dans tout le département et fédèrent jusqu’à 12 000 personnes au mois de mars à Bar-sur-Seine.

Carte postale - Manifestation des vignerons champenois le 18 mars 1911 à Essoyes

Dans le même temps, en signe de protestation, plus de la moitié des maires du département font parvenir au préfet leur lettre de démission. La moitié des conseillers généraux du département démissionne, tandis que l’autre moitié refuse de siéger. L’intégralité de la vie administrative de l’Aube est ainsi paralysée !

Le mois d’avril voit la plus grande mobilisation pacifique du mouvement se tenir à Troyes, où plus de 20 000 barséquanais manifestent. Le bruit de la contestation arrive finalement à Paris, où le Conseil d’Etat reçoit au mois de mai une délégation de vignerons de l’Aube.
C’est aussi le début de la répression dans les vignes : 5 000 gendarmes et dragons sont envoyés sur la Côte des Bar pour contenir les manifestants. LHumanité titre à cette occasion « Il y a plus de soldats que de vignerons en Champagne ».

Carte postale - manifestation des vignerons champenoirs de l'Aube à Troyes en Champagne, 9 avril 1911

Les vignerons de l’Aube obtiennent, en juin 1911, l’appellation « Champagne deuxième zone », qui apaise les tensions. Mais cette décision ne satisfait pas totalement les vignerons aubois comme les vignerons de la Marne, qui craignent pour la réputation de leur production.

Le débat parlementaire s’installe puis est interrompu par la Première Guerre mondiale. L’intégralité des communes viticoles de l’Aube ne revient finalement dans l’appellation Champagne qu’en 1927.

En mémoire de ces événements, une statue en l’honneur de Gaston Cheq trône toujours à Bar-sur-Aube. Le restaurant Le Cellier conserve également des graffitis faits au cours de ces événements historiques sur ses voûtes.

L'essor du Champagne dans l'Aube

Après la crise du phylloxera qui a ravagé le vignoble français, les vignerons aubois connaissent une nouvelle succession de crises, à la fin des années 1920. Les récoltes gèlent trois années de suite, et, en 1929, la récolte est vendue quasi entièrement à un négociant qui, ayant fait faillite, ne peut finalement pas payer les vignerons. Ces derniers, aguerris à la vinification de leurs vins blancs et rosés, décident de champagniser eux-mêmes leur production. C’est ainsi que sont créées, dans la Côte des Bar, les Champagnes de vignerons récoltants-manipulants.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la consommation de champagne reprend fortement dans le monde entier. Pour accompagner cette demande, dans le département de l’Aube, des caves coopératives sont créées et le nombre de récoltants-manipulants augmente fortement.

Une confrérie, fondée en 1975, défend les traditions et l’histoire du champagne Aubois, c’est la Commanderie du Saulte Bouchon Champenois.

Commanderie du Saulte Bouchon Champenois au Printemps gourmand Les Riceys © Olivier Douard

Depuis 2015, toute l’appellation Champagne, comprenant la Côte des Bar, a été inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, au titre des Caves, Coteaux et Maisons de Champagne.

Aujourd’hui, le vignoble aubois compte 8 000 hectares de vignes, ce qui représente 20 % de la surface de l’appellation Champagne. Le travail remarquable des Maisons de Champagne pour valoriser leur savoir-faire a permis aux Champagnes de l’Aube de bénéficier d’une belle notoriété grâce à l’élaboration de cuvées singulières très prisées des amateurs de vins et des belles tables. Majoritairement répartis le long de la Côte des Bar, autour de Bar-sur-Aube et Bar-sur-Seine, les vignerons aubois sont rassemblés au sein de la Route Touristique du Champagne.

 

La route Touristique du Champagne :

Randonnées des cadoles sur la Route Touristique du Champagne © Le Bonheur des Gens

Ce circuit serpente sur 220 kilomètres, à travers les vignes de la Côte des Bar et permet de découvrir un riche patrimoine insoupçonné. De l’abbaye de Clairvaux, fondée par saint Bernard, au village d’Essoyes, refuge familial du peintre Auguste Renoir, en passant par la rencontre des vignerons prêts à partager leurs secrets de fabrication, la route du Champagne offre des escapades variées et passionnantes. Ses paysages, ponctués de villages pittoresques et de patrimoine vernaculaire, dont les emblématiques cadoles en pierres sèches, amplifient le charme de la balade.

Chaque été, les vignerons de la Côte des Bar organisent un week-end festif pour partager leur savoir-faire ! En 2022, la Route du Champagne en fête se déroule les 30 & 31 juillet. L’occasion d’aller, pendant deux jours, à la découverte de ce terroir unique et de déguster des crus méconnus accompagnés de mets locaux !

 

Pour en savoir plus sur la Route touristique du Champagne.

Pour en savoir plus sur la Route du Champagne en fête 

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